Le mouvement contre la réforme des retraites prend de l’ampleur

Le deuxième rendez-vous d’un mouvement social est toujours une épreuve du feu. Surtout lorsque le premier a été réussi, avec plus de deux millions de manifestants. L’enjeu de ce 31 janvier était donc crucial pour démontrer la montée en puissance du rejet par les Français de la réforme des retraites : c’est un succès. Plus de 2,8 millions de personnes sont descendues dans les rues aujourd’hui. Avec quelle perspective pour la suite ?

Un rejet massif des Français

Si le gouvernement a bien perdu une bataille, c’est celle de l’opinion. Dès la présentation de la réforme, les Français se sont majoritairement prononcés contre. Problème de compréhension ? Non, car semaine de pédagogie après semaine de pédagogie, l’opposition au projet de loi se renforce. Plus de 72 % des Français sont opposés à cette réforme. Ce pourcentage atteint même 93 % chez les actifs.

Un rejet qui transcende aujourd’hui les classes d’âge. Si, dans un premier temps, une majorité de seniors étaient favorables à la réforme, ils sont désormais une minorité du côté du président de la République.

Un mouvement qui prend de l’ampleur

Le 19 janvier était une réussite notoire, avec plus de deux millions de participants à la mobilisation. Ce 31 janvier l’est davantage avec des cortèges encore plus fournis. Syndicats et Préfectures de police, s’ils ne s’accordent pas sur les chiffres, sont unanimes sur l’augmentation du nombre de manifestants.

Cette augmentation se fait notamment dans la « France des sous-préfecture » et celle des villes moyennes : 10 000 participants, à Montauban (soit 4000 de plus que lors du premier round), 16 000 à Tarbes (le double), 15 000 à Lorient (5 000 de plus), 25 000 à Nice (5 000 de plus), 19 000 à Pau (4 000 de plus). La France dite « périphérique » est au cœur de la dynamique de mobilisation.

L’appel du secrétaire national du Parti communiste, Fabien Roussel, aux maires, afin qu’ils « ferment leurs mairies en solidarité avec le mouvement social » pour permettre aux agents de participer aux défilés, semble avoir porté ses fruits. En plus de la maire de Paris qui lui a immédiatement emboîté le pas, ce sont des dizaine de mairies de communes rurales qui ont répondu présentes, de tous les bords politiques.

Où va le mouvement ?

Si la mobilisation est une réussite, et cela à deux reprises, rien n’est moins sûr quant à l’obtention de la principale revendication des opposants : le retrait de la réforme. La bataille qui s’ouvre maintenant est celle de l’Assemblée nationale. Les opposants au texte peuvent compter sur la friabilité de la « majorité » présidentielle. L’une des armes à leur disposition était la motion référendaire présentée par la coalition de gauche, qui aurait pu être adoptée à quelques voix près. Mais un tour de passe-passe orchestré par le groupe macroniste à l’Assemblée nationale a favorisé la motion référendaire du Rassemblement National plutôt que celle de la gauche. La question qui se pose donc est là suivante : la NUPES, LR et le groupe LIOT sont-ils susceptibles de voter cette motion ?

S’agissant du mouvement syndical, les difficultés sont au-devant de lui. La surdité du gouvernement pourrait le pousser vers une radicalisation, au risque de potentiellement perdre l’opinion publique qui le soutient jusqu’à présent. Dans un sondage Harris Interactive, nous apprenons que les Français sont majoritairement favorables aux coupures d’électricité ciblées contre les élus qui soutiennent la réforme ainsi qu’aux milliardaires, au mouvement de grève dans les ports et docks ainsi qu’à des opérations ciblées de gratuité d’énergie. Ils sont cependant majoritairement défavorables à une grève de la SNCF pendant les vacances, aux blocages des lycées, aux grèves dans les centrales nucléaires, ou à l’arrêt des remontées mécaniques dans les stations.

Engager le bras de fer avec le gouvernement tout en préservant l’opinion publique, voilà désormais la ligne de crête pour le mouvement contre la réforme des retraites.

Pierrick Lavoine