Né le 2 septembre 1924, Henri Krasucki aurait eu 98 ans aujourd’hui. Portrait d’un syndicaliste CGT passé par l’horreur d’Auschwitz.
La presse et la télévision de droite ont fait pendant des années le portrait d’un Henri Krasucki rustre et dépassé. Il n’en est rien. Henri est né à Varsovie en 1924 mais il n’a pas le temps de profiter très longtemps des paysages de la Pologne, sa famille venant s’installer dans un quartier populaire de Paris alors qu’il est encore enfant. Il se fait vite à l’ambiance solidaire du XXe arrondissement de la capitale.
Véritable titi parisien et élève brillant, il choisit pourtant de travailler en usine chez Renault. C’est dans sa famille et son établi qu’il se forge une conscience politique. À la suite de la tentative de coup d’État d’extrême droite du 6 février 1934, il participe aux manifestations antifascistes. Quelque temps plus tard c’est pour défendre le Front Populaire qu’il retourne dans la rue. Le vote des pleins pouvoirs à Pétain est un coup de tonnerre pour les Krasucki : Ils sont juifs, communistes et immigrés.
Dès 1940, sa famille entre dans la clandestinité et dans la résistance. Henri, bien qu’encore adolescent, participe aux actions contre l’occupant. Dans les Francs-tireurs et partisans — main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI), dont il fait partie de la section juive, il rencontre des grands noms de la résistance comme le colonel Fabien et Missak Manouchian. Arrêté et torturé en mars 1943 par la police française, Henri Krasucki ne donne le nom d’aucun de ses camarades à ses bourreaux. Pour Henri le calvaire ne s’arrête pas là, il est déporté dans les camps nazis, à Auschwitz puis à Buchenwald. Avec quelques prisonniers politiques communistes, il organise la résistance à l’intérieur des camps.
Revenu en France en 1945, il retrouve le chemin de l’usine, cette fois comme ajusteur, et continue à militer dans son quartier du XXe arrondissement. Ayant des qualités d’écriture manifestes, Henri est chargé par sa section du journal communiste du secteur. Quelques années plus tard, il devient permanent de son syndicat, la CGT. Tout au long des années 1950, le jeune militant gagne en considération aussi bien au sein de la confédération qu’à l’intérieur du parti communiste dont il est élu au comité central en 1956. Syndicaliste depuis ses quinze ans, il devient membre en 1960 du bureau confédéral de la CGT, c’est une consécration pour lui. Krasucki ne se contente pas d’organiser les mouvements sociaux, il produit des analyses économiques sur les primes, les salaires, les stratégies patronales…
Avec la fin des trente glorieuses et les plans sociaux en cascade dans les années soixante-dix, Henri Krasucki apparaît comme l’homme de la situation à la CGT. Sa compréhension de la situation économique et son talent d’organisateur permettent au syndicat de faire face. Il écrit cette phrase restée célèbre chez les militants : « La régression sociale ne se négocie pas, elle se combat ! »
C’est en 1982, alors que les communistes s’apprêtent à rompre avec Mitterrand, qu’il prend la tête de la CGT. Il contribue pendant les dix années de son secrétariat à moderniser l’appareil syndical malgré la hargne patronale qui n’hésite pas à user de la xénophobie et de l’antisémitisme pour l’attaquer.
Mais Henri tient bon, et quand il se retire de la vie publique pour prendre sa retraite, il laisse l’image d’un militant aux mille combats et d’un homme pétillant d’intelligence.
Victor Laby