Rire de Sade

Le rire noir de Sade

Au moment où la BNF expose le manuscrit des Cent Vingt Journées de Sodome, il paraît pertinent de réfléchir sur le rire chez Sade qui se révèle grinçant et interroge tous les aspects de la noirceur. Du rire libertin, irréligieux, au rire cruel, féroce et sardonique, Sade, romancier et philosophe, décline un panel nuancé d’émotions. Le rire devient à la fois instrument de pouvoir, séparant ceux qui ont le droit de rire et ceux à qui cela est interdit, et instrument de torture. Autour du rire, victime et bourreau entament une nouvelle danse. Continuer de lire Le rire noir de Sade

« L’amour », histoire d’un couple par François Bégaudeau

L’amour est sobre. Il dure une vie, rencontre seulement des péripéties mineures. Les relations  difficiles, tumultueuses, conflictuelles, traversées par les voyages, les adultères, les tentatives de meurtre et la vaisselle qui vole sont omniprésentes en littérature. L’amour qui court sur les décennies et unit les personnes ordinaires est autant rare en fiction que banale dans le réel. Les rencontres improbables entre personnes de milieu sociaux … Continuer de lire « L’amour », histoire d’un couple par François Bégaudeau

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Lilia Hassaine, Panorama, ou l’avenir entre l’idéal et le cauchemar de la transparence

Il n’y a pas d’école pour devenir romancière ou romancier. Mais il y a des cheminements qui expliquent ce parcours. Lilia Hassaine a fait des études de Lettres, puis elle a fait une carrière de journaliste, observant et commentant sur des plateaux de télévision des images du monde contemporain. Un pied d’abord dans l’imaginaire de la littérature, un autre pied dans la réalité d’aujourd’hui. De … Continuer de lire Lilia Hassaine, Panorama, ou l’avenir entre l’idéal et le cauchemar de la transparence

Sébastien Roch, chef d’œuvre méconnu d’Octave Mirbeau

Octave Mirbeau, l’auteur du Journal d’une femme de chambre et de Dingo, est aussi celui de Sébastien Roch, portrait saisissant d’une troublante modernité. La genèse d’un anti-héros On est dans une petite ville de l’Orne, pendant ces années 1860 où la France a juste commencé çà basculer dans l’industrialisation, sans que les conséquences de cette mutation soient encore perceptibles. Moment aussi où des dernières flambées … Continuer de lire Sébastien Roch, chef d’œuvre méconnu d’Octave Mirbeau

« Les Éclats » de Bret Easton Ellis : un certain moment de l’Empire

Presque quarante ans plus tard, Bret Easton Ellis revient sur cet automne 1981 dans un roman-fleuve, Les Éclats. Autant Moins que zéro était effilé comme une lame, autant Les Éclats se déploie avec une ampleur proustienne, tour à tour scintillante et sombre, et se situe au-delà même de la simple nostalgie pour devenir un livre qui, comme tous les grands livres finalement, est un défi désespéré au Temps. Continuer de lire « Les Éclats » de Bret Easton Ellis : un certain moment de l’Empire

Dominique Barbéris, « Une façon d’aimer » ou l’enchantement d’un rêve évanoui

Depuis Marguerite Duras, on aime les personnages qui tremblent et les histoires d’autant plus envoûtantes qu’elle sont incertaines.

C’est dans cette lignée que se situe le dernier roman de Dominique Barbéris, dont les événements se passent il y a plus d’un demi-siècle, non en Inde ni en Extrême-Orient, mais en Afrique, à Douala, sous un régime colonial que les indépendantistes commencent à contester. Continuer de lire Dominique Barbéris, « Une façon d’aimer » ou l’enchantement d’un rêve évanoui

Le Voyage de Hollande d’Aragon : Un monument poétique sorti de l’oubli

Traversé par les thèmes à la fois lumineux et douloureux associés à l’œuvre connue – l’amour d’Elsa, la difficulté à sauver ce sentiment du temps, de la perte, du mystère insondable de l’autre – Le Voyage de Hollande fait ressentir l’essence même de l’art poétique d’Aragon, son point d’aboutissement, son expression lyrique et technique la plus maîtrisée, la plus haute. Continuer de lire Le Voyage de Hollande d’Aragon : Un monument poétique sorti de l’oubli

Une vie avec Mauriac

Dès qu’un homme politique prend la plume pour quoi que ce soit d’autre qu’un ouvrage programmatique avant une élection, la plus vive méfiance est de rigueur. Qu’un ministre en exercice, comme on l’a vu tout récemment, commette un roman érotique, le mépris de la fonction ministérielle s’ajoute à la faute de goût des pages impudiques. Et, comme plus souvent, qu’un politicien publie une biographie, bien souvent le sujet aura été choisi pour immodestement suggérer une certaine proximité de destin. Continuer de lire Une vie avec Mauriac

L’ambre de la mémoire : Constantin Cavafis

L’audace de la poésie de Cavafis ne tient pas toute dans la vision, aussi nette que délicate, des désirs et des corps ; elle parvient au plus profond scandale de toute grande poésie, et au décentrement que cette dernière impose toujours aux hiérarchies qui prétendent déterminer l’essentiel de l’accessoire, le passager et le durable, l’éphémère et l’éternel. Continuer de lire L’ambre de la mémoire : Constantin Cavafis

Bruno Le Maire « excité comme jamais » : mauvais procès pour un mauvais auteur

On pourrait presque se réjouir que, brutalement, la France entière se cabre et s’indigne à propos d’un roman, du geste d’écrire, des registres de langue et de style littéraire. Le mérite en revient à notre ministre de l’économie, le grisâtre Bruno Le Maire. Son dernier livre, Fugue américaine — que nous n’avons pas lu — contient une page érotique d’une exceptionnelle nullité. De quoi déchaîner les passions, et finalement faire fleurir des commentaires tout aussi médiocres que le style ministériel. Continuer de lire Bruno Le Maire « excité comme jamais » : mauvais procès pour un mauvais auteur

Édition, censure et logique de marché : Le cas exemplaire de Roald Dahl  

Après la mort de Roald Dahl, survenue en 1990, son éditeur Puffin, filiale de la célèbre maison d’édition Penguin Random House, a acquis l’intégralité des droits sur l’ensemble de son œuvre. Penguin a été rachetée à son tour par Netflix, géant états-unien de la communication basé à la Silicon Valley. On n’en finirait pas d’énumérer les possessions de Netflix : un monstre en comparaison duquel ceux de Dahl font piètre figure. Bref, l’œuvre de Dahl est devenue une marchandise et son nom une marque. Continuer de lire Édition, censure et logique de marché : Le cas exemplaire de Roald Dahl  

Redécouvrir Tarass Chevtchenko, poète ukrainien

La réédition chez Seghers d’un choix de poèmes de Tarass Chevtchenko sous un nouveau titre, « Notre âme ne peut pas mourir », permet de redécouvrir l’œuvre du plus grand poète romantique ukrainien, l’un de ceux – après Ivan Kotliarevsky et Grigori Kvitka-Osnovianenko – à avoir fixé la langue ukrainienne littéraire en élaborant son alphabet. Pourquoi redécouvrir ? Parce que ce recueil, traduit par Eugène Guillevic (avec l’aide de Wladyslaw Pelc), présenté par Maxime Rilsky et Alexandre Deitch, aujourd’hui préfacé par André Markowicz, date… de 1964. Continuer de lire Redécouvrir Tarass Chevtchenko, poète ukrainien

Marx et la littérature romantique du XIXe siècle

Comme on le sait, Marx étudia à fond les auteurs romantiques alors qu’il était étudiant à Bonn, et pendant ses premières années à l’Université de Berlin, lisant avec application leurs œuvres dans tous les domaines : économie, histoire, droit, littérature et art. Ses essais poétiques de jeunesse, antérieurs à 1837, c’est-à- dire avant Hegel, appartiennent directement à l’école romantique. En même temps, personne ne fut plus que Marx adversaire des romantiques. Quand, Continuer de lire Marx et la littérature romantique du XIXe siècle

Les Adieux d’Aragon : un admirable tremblement du temps

« Aragon vivant ». Le recueil ne saurait se résumer à un long thrène. Ce sont notamment les « autres poèmes » qui illuminent le volume ; singulièrement autour de figures de peintres : Chagall, Klee, Maline, Masson et Picasso. Laissons au lecteur la découverte de ces pages, mais arrêtons-nous néanmoins sur « Celui qui dit les choses sans rien dire », cycle de vingt-cinq poèmes qui célèbrent Chagall, et sur la « Cantate à André Masson ». Continuer de lire Les Adieux d’Aragon : un admirable tremblement du temps

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Deux femmes s’élèvent contre le pilonnage de 145 millions de livres neufs chaque année

Plus de cent-quarante millions de livres neufs sont détruits chaque année en France. Deux femmes, Julie Rovero, issue du monde de l’édition, et Patricia Farnier, issue de celui de l’enseignement, ont noué des partenariats avec des éditeurs indépendants dans le but de donner une deuxième vie à des livres choisis par un comité de lecture. Continuer de lire Deux femmes s’élèvent contre le pilonnage de 145 millions de livres neufs chaque année

Le scandale du siècle (Grasset) : Gabriel Garcia Márquez journaliste

Márquez fut journaliste, longtemps, assidument, et l’on peut penser que cette activité régulière n’a pas été sans conséquences, pour lui comme pour d’autres écrivains, sur une écriture pour laquelle les contraintes rédactionnelles propres à la presse peuvent être une bonne école. Continuer de lire Le scandale du siècle (Grasset) : Gabriel Garcia Márquez journaliste

« Et par le pouvoir d’un mot », destin d’un poème français par Xavier Donzelli

Il arrive qu’un poème échappe à son auteur. Quelques vers griffonnés sur une page de papier millimétré qui font brusquement corps avec les espoirs et les tragédie d’un siècle. Liberté de Paul Éluard appartient sans conteste à cette race de poèmes. Continuer de lire « Et par le pouvoir d’un mot », destin d’un poème français par Xavier Donzelli