Le billet de Jérôme Leroy – Les réacs, c’était mieux avant

C’est rassurant. La droite dure, la droite du droit du sang, la droite ethnique, ultraréac, identitaire, n’a visiblement pas sur le plan artistique et intellectuel les moyens de ses ambitions. Ses écrivains sont mauvais, aigris, chouineurs comme pas deux et tout ça fait vaguement illusion parce qu’ils ont récupéré Houellebecq (qui se laisse faire, il faut dire) avant de jouer aux résistants dans leurs différents ghettos éditoriaux où ils s’auto-congratulent ad nauseam.

Quant au cinéma, « Vaincre ou mourir », ce film chouan produit par Le Puy du Fou et Canal +, est leur grande réalisation : il m’a surtout l’air d’une sacrée daube. C’est un objet idéologique tellement caricatural qu’il n’assume même pas son projet, un projet financé par un milliardaire breton catho radicalisé dont on ferait bien de casser un peu les appétits médiatico-éditoriaux et soutenu par un homme politique qui fut un des rares avec une vision de la France, contestable, mais une vision quand même qu’il exposa brillamment avant de sombrer dans une forme d’aigreur complotiste ridicule, la vieillesse est décidément un naufrage.

Le but idéologique de cette daube, donc, c’est de tracer un continuum entre la Convention et Pol Pot en passant par Staline, histoire de discréditer à jamais l’hypothèse communiste et en vous expliquant, comme le tennisman François Furet, que tout était déjà dans Marx et que, donc, réclamer une augmentation du Smic, c’est déjà les prodromes du Goulag.

Mais rassurons-nous et répétons-le : cette extrême-droite là n’a plus les moyens de ses ambitions. Ses « penseurs » s’appellent Zemmour, ce qui me fait rire moi qui ai connu un peu Pierre Boutang, philosophe maurrassien à l’érudition phénoménale qui m’avait fait cadeau de sa traduction du Banquet de Platon, illustré par Viera Da Silva. Vous imaginez Zemmour traduire Platon, lui qui a déjà du mal à traduire sa pensée?

Pour les historiens, n’en parlons pas : avec Franck Ferrand, qui a fait ses études en remplissant les grilles de mots croisés d’Historia junior, on a beaucoup moins à redouter qu’avec Jacques Bainville le visionnaire qui a tracé avec soixante ans d’avance l’histoire européenne de l’après-guerre à nos jours.

Et pour la littérature, c’est évidemment pitoyable. Qu’elle était séduisante, pourtant, la littérature de droite avec les Hussards ou avec le noir façon ADG [initiales du pseudonyme Alain Dreux-Gallou, NDLR] : on pouvait l’aimer pour son style, son humour, son élégance. Mais là avec un Obertone, pour n’en citer qu’un, dans le rôle d’ADG, Ring dans le rôle de la Table Ronde de l’époque, on voit qu’il n’y a pas grand chose à craindre de ce côté là non plus.

On pourra regretter les cinq pages (excellentes au demeurant) consacrées par Libé à ce navet de cape et d’épée à usage des crânes de pioche des différentes milices identitaires, parce qu’elles ont provoqué un bel effet Streisand.

On a hâte de voir la suite, « Vaincre ou mourir II, le retour », où Staline qui a mis au point une machine à remonter le temps envoie Beria aider Robespierre à mettre en place la Terreur, film qui sera salué par Pascal Praud qui est aussi bon en historien qu’en commentateur du FC Martigues-Stade Briochin.

Même les réacs, ce qui ne manque pas d’une certaine logique, c’était mieux avant.

Jérôme Leroy