Beethoven et les idées de la Révolution française

Beethoven a sa légende. C’est la légende créée par le XIXe siècle sur la nature de l’artiste et qui inspire les travaux d’innombrables biographes de Beethoven. Mais dans l’« image romantique » de Beethoven, nous ne retrouvons que rarement les traits caractéristiques du personnage réel. Elle nous informe bien davantage sur la psychologie et l’idéologie esthétique de la société bourgeoise où elle a pris naissance.

L’idée que l’art est étranger à la réalité, qu’il appartient à l’au-delà, exposée depuis Kant sous tant de formes diverses, a toujours été appliquée de préférence à la musique. C’est surtout dans les œuvres du classicisme viennois, ces sommets de la musique absolue, représentés par les symphonies et les quatuors de Haydn, Mozart et Beethoven, que les successeurs savants ou vulgaires de Kant ont cru voir la preuve du prétendu antagonisme de l’art et de la réalité. A en croire les idéologues, et particulièrement les idéologues de l’esthétique allemande, Haydn, Mozart et Beethoven ne vivaient pas dans leur temps, mais

menaient une sorte d’existence en dehors du temps. On affirme surtout qu’ils ne comprenaient rien aux problèmes historiques de leur époque et ne participaient nullement aux questions qui dominaient leur temps. Ce manque de compréhension est l’élément essentiel de la légende qui nous représente le compositeur de la Création comme le naïf papa Haydn; l’homme qui nous fit don du Requiem comme l’enfantin et sensible Mozart et le génie qui créa la Symphonie héroïque et la grande symphonie en ré mineur comme un « titan » séparé du monde.

Les sources démontrent qu’en ce qui concerne les classiques viennois de la musique, le XIXe siècle s’est créé d’eux une image pour le moins unilatérale et même en partie fausse. Pur exemple, la légende romantique a voulu représenter Beethoven comme un ignorant en politique et en philosophie. Un de ses biographes n’a pas craint d’affirmer qu’ :

Une instruction défectueuse et une éducation insuffisante ne permettaient pas à Beethoven de libérer réellement son esprit et de lui donner des ailes

En réalité, Beethoven a travaillé avec persévérance à son éducation scientifique et philosophique. La diversité des livres qui se trouvèrent dans son héritage prouve à elle seule qu’il a cherché à s’assimiler, dans la plus large mesure possible, les connaissances de son temps. L’Histoire naturelle et théorie du ciel, de Kant, y voisine avec l’Imitation de Jésus-Christ de Thomas à Kempis, Promenades à Syracuse, de Seume, Sur la noblesse, de Kotzebue, Idées sur la religion et l’Église, de Fessier, etc.

Les autorités de Vienne confisquèrent, après sa mort, les oeuvres de Seume, de Kotzebue et de Fessier, en raison de leur trop grande actualité politique. On voit que les intérêts intellectuels de Beethoven embrassaient un vaste champ de connaissances, car il prêtait attention aussi bien aux problèmes de la religion, de la philosophie et des sciences naturelles qu’à ceux de la politique. Dans une lettre à ses éditeurs Breitkopf et Hsirtel, il a un jour expressément souligné son désir d’élargir et d’approfondir ses connaissances :

Il n’existe aucune étude qui serait trop savante pour moi; sans prétendre le moins du monde au titre de véritable savant, j’ai toujours cherché, dès mon enfance, à comprendre ce que chaque époque avait produit de meilleur et de plus sage. Un artiste qui ne se croit pas obligé d’en faire au moins autant, devrait en rougir.

Beethoven croyait de son devoir en tant qu’artiste, d’élargir continuellement son horizon intellectuel. Ce n’est pas uniquement la beauté de la symphonie qui occupe son énergie passionnée, mais également la lutte pour la vérité, surtout pour la vérité de son temps, pour la compréhension du destin historique de l’époque. Et, bien qu’il sentît tout aussi profondément que Kant l’antagonisme entre la plate vérité sociale et la perfection esthétique, la contradiction entre la prose de la vie et la poésie de l’art, bien qu’il en souffrit tout aussi tragiquement que Schiller, il ne cessa jamais d’en chercher une synthèse réaliste. Jeune encore, il avait écrit dans l’album de Lenz von Breuning :

Le Vrai existe pour le sage,

Le Beau pour le cœur sensible.

Ils sont liés l’un à l’autre.

La vie de Beethoven fut une lutte pour la réalisation de cet idéal humaniste, une lutte pour la possession du beau, tout en restant sur le terrain du vrai… Sous ce rapport, il s’opposait à Schiller, qui voulut détacher l’homme de la réalité fragmentaire, le dispenser de la lutte pour la connaissance sur le terrain de la réalité, pour le conduire, au moyen de l’« éducation esthétique», à la jouissance de l’humain et du beau. «C’est seulement quand il joue que l’homme est tout à fait un homme »,

Par cette formule Schiller a caractérisé le rôle de l’esthétique dans la réalisation de l’idéal humaniste classique. Ce triomphe du beau aux dépens du vrai, ce remplacement d’une stratégie de lutte par une philosophie de l’art étaient complètement étrangers à Beethoven. En cela, il ne suivait pas les traditions philosophiques de l’idéalisme allemand, mais bien la conception du monde, réaliste et directe, de Haydn et de Mozart, auxquels il succédait également comme compositeur. Ce réalisme, qu’on pourrait appeler primitif et naïf, forme la base de son original humanisme et détermine également sa position à l’égard des grands mouvements politiques de son siècle. La philosophie des lumières est le lien qui l’unit à Haydn et à Mozart. Cependant, les idées de cette philosophie prennent chez Beethoven un aspect nouveau. En 1789, l’année où commença le mouvement qui devait bouleverser l’Europe, Beethoven se fit inscrire à l’Université de Cologne, où il étudia la philosophie. Cette coïncidence des études de Beethoven avec le début de la grande Révolution symbolise la double source de ses idées : l’idéologie des lumières, augmentée et enrichie par l’écho nue la prise de la Bastille trouva en Allemagne. De sa patrie rhénane, Beethoven apporte à Vienne ce goût de l’action qui confère à son être et à sa musique de nouveaux accents dramatiques. Les principes qui, avant lui, étaient cultivés et proclamés avec amour, deviennent pour lui un objet de passion et c’est avec toute la force de sa volonté et de son cœur qu’il aspire à leur réalisation :

Faire du bien quand on peut.

Aimer par-dessus tout la liberté.

Ne jamais renier la vérité, pas même

auprès d’un trône.

L’esprit des lumières, tel que le représentent les grands prédécesseurs de Beethoven, Haydn et Mozart, s’appuyait sur les conditions plutôt patriarcales de la vie autrichienne de l’époque. Les sources naïves et populaires du mouvement des lumières en Autriche sont évidentes. Or, bien que Beethoven appréciât l’homogénéité intellectuelle de sa nouvelle patrie, il reconnut et critiqua, de plus en plus, son caractère naïf et primitif. A Vienne en 1794, quand le bruit courut d’une conspiration jacobine et que la police procéda même à des arrestations et par la suite à des exécutions, il écrivit dans une lettre à Simrock :

On a incarcéré ici plusieurs gens de condition; on dit qu’une révolution allait éclater — mais je crois que tant que les Autrichiens auront de la bière brune et des saucisses, ils ne se révolteront pas.

Bien qu’à cette époque Beethoven n’eût, assurément, qu’une très vague idée de la nature d’une révolution démocratique, il voyait déjà clairement que cette dernière exige pour son accomplissement une large unité du peuple, non pas une unité naïve et patriarcale comme en Autriche, mais une unité critique et révolutionnaire, comme dans la France de 1789. Ce problème l’occupe toute sa vie, il y revient sans cesse, en étudiant particulièrement l’Ode à la joie de Schiller, dont il envisagea la mise en musique dès son séjour à Bonn; et ce problème finira par former, ainsi que nous allons le voir, l’idée centrale de sa Neuvième Symphonie.

Dès sa jeunesse, Beethoven cherche à approfondir et à concrétiser l’idéal abstrait et humanitaire, à le rattacher d’une façon rationnelle à la réalité. C’est cet effort qui le rapproche de plus en plus des idées de la Révolution française. ll est vrai qu’en 1796 il célèbre encore, dans le chant Nous sommes un grand peuple allemand, la campagne contre la France, mais deux ans plus tard nous le voyons déjà s’entretenir avec Bernadotte, ambassadeur de France à Vienne. A partir de ce moment, il est étroitement surveillé par la police. On le dit « républicanisant ». Et en effet, le républicanisme de Beethoven s’affermit dans ces entretiens avec l’ambassadeur de la République; en même temps, il voue à Napoléon un culte toujours grandissant.

La figure de Bonaparte joue dans la vie de Beethoven un rôle considérable. Le grand Corse domine toute une étape de son évolution philosophique et politique. C’est « l’époque héroïque», où il compose sa Symphonie héroïque, ainsi que la première version de son unique opéra, Fidelio. Ce qui caractérise cette période de l’évolution intellectuelle de Beethoven, c’est qu’il voit dans le génie une première incarnation de l’idéal humaniste et un instrument spécifique pour la réalisation de cet idéal. Napoléon est à ses yeux le héros qui comble l’abîme séparant les principes de la philosophie allemande et la triste réalité européenne. L’idéal philosophique de Beethoven — l’humanisme des classiques allemands — et son principe politique — les droits de l’homme — trouvent main tenant pour lui une synthèse humaine dans le génie en général, et en Napoléon en particulier.

Le culte du génie professé par Beethoven n’a rien de romantique, à l’encontre de ce que supposent plusieurs de ses biographes. Sa philosophie du génie humaniste — c’est ainsi qu’on pourrait nommer cette conception — lui sert surtout à prendre activement position à l’égard des problèmes de son temps. Ce n’est pas dans la fuite devant la réalité qu’il voit une qualité nécessaire du génie, mais bien dans l’audace intellectuelle et pratique montrée par l’individu dans la lutte pour le progrès, surtout dans les lieux et les circonstances où les conditions sociales ne permettent pas encore la réalisation immédiate  d’un large mouvement démocratique. Voilà pourquoi Beethoven, bien qu’il conteste à l’aristocratie tous ses privilèges, réclame en même temps que la supériorité du génie (c’est-à-dire aussi la sienne) soit universellement reconnue. Dans une dispute, il crie à un noble :

Prince ! ce que vous êtes, vous le devez au hasard de votre naissance; ce que je suis, je le dois à moi-même. Il y a eu et il y aura encore des milliers de princes, mais il n’existe qu’un seul Beethoven. 

ll est compréhensible qu’un événement tel que la proclamation de l’Empire en France ait profondément ébranlé la philosophie du génie professée par Beethoven. Le désappointement que lui causa le général de la Révolution, qu’il admirait tant fut immense :

Il n’est donc qu’un homme ordinaire ! Maintenant, il foulera aux pieds tous les droits de l’homme; il sera l’esclave de son ambition; il se mettra au-dessus de tous et il deviendra un tyran.

Il raya de la Symphonie héroïque la dédicace à Bonaparte. Mais en rayant le nom de l’empereur des Français, il brisa du même coup avec la philosophie du «génie humaniste». Dans les années qui suivent, nous trouvons Beethoven à la recherche d’une nouvelle idée du monde, susceptible de lui fournir une solide base de travail.

Jamais on ne vit de plus brillantes victoires, ni d’expéditions plus géniales et jamais l’impuissance de la victoire ne fut plus évidente qu’à cette époque. 

Ces paroles de son contemporain Hegel sur l’hégémonie napoléonienne en Europe, Beethoven dut en éprouver toute l’amertume. Chaque coup porté par la Sainte-Alliance de la réaction à l’esprit et aux conquêtes de 1789 devait inciter Beethoven, républicain de cœur, à fuir la réalité, à s’isoler du milieu ambiant. Toutefois, bien que la tentation de se réfugier dans le romantisme fût grande, Beethoven demeura fidèle à lui-même. S’il a parfois fui la réalité, ce n’était que pour «y retourner avec des forces nouvelles». C’est surtout la poésie du paysage qui l’aide à supporter la prose de la vie. Dans la Symphonie pastorale, il s’appuie sur la nature afin de reprendre des forces pour le combat. Le calme placide et la continuité des phénomènes naturels forment, aux yeux de Beethoven, un agréable contraste avec la société dont la cohésion lui est de plus en plus incompréhensible, dont l’unité lui semble de plus en plus difficile à reconnaître et où il a toujours plus de peine à s’orienter. C’est ainsi que le «Retour à la nature» de Rousseau sert ici, une fois de plus, et dans des conditions totalement modifiées, de point d’appui stratégique dans la bille pour la réalisation de l’idéal humaniste. Il semble presque que la nature soit la seule alliée de Beethoven. Car dans la société, parmi les hommes qui l’entourent, il ne trouve aucun compagnon d’armes. Et souvent, ce sont presque des accents de résignation : « Je n’espère plus voir à notre époque rien de durable, il n’y a de certitude que dans l’aveugle hasard», écrit-il en novembre 1809.

Or, fait étrange, c’est précisément pendant cette période où sa solitude morale devient toujours plus accusée, que son humanisme revêt de plus en plus un caractère républicain et démocratique. Dès 1809, le baron de Trémont raconte que :

A la cour impériale d’Autriche, Beethoven avait la réputation d’un républicain déclaré. La cour ne lui accordait nullement ses faveurs,, au contraire, jamais elle n’assistait à l’exécution de ses œuvres.

La rencontre de Beethoven avec Gœthe montre clairement à quel point la réalité absorbait toutes ses pensées et tous ses sentiments : il refusait de se réfugier dans le calme de l’Olympe classique aussi bien que dans les rêves du romantisme. Gœthe écrit à son sujet :

Son talent m’a profondément étonné, mais, par malheur, c’est un homme réfractaire à toute discipline; il n’a pas complètement tort de trouver le monde détestable, mais, ce faisant, il ne le rend pas plus agréable à lui-même ni aux autres.

Or, pour Beethoven, le suprême principe de la pensée et de l’action ne consiste pas à jouir de la vie, mais à influencer la destinée humaine dans le sens de l’idéal humaniste. Et sa pensée ne s’arrête pas au domaine de l’esthétique et de la philosophie ; elle s’avance jusqu’à des formules politiques concrètes. L’année même où la réaction européenne célébrait ses plus éclatants triomphes et où Metternich s’apprêtait à exterminer les derniers vestiges de la pensée libérale, on entend Beethoven déclarer que «l’Etat doit avoir une Constitution».

A cette époque, Beethoven s’intéressait plus que jamais à la politique actuelle qui servait de thème à de longues discussions avec ses amis. Voici ce que son biographe Thayer relate sur son entrevue avec Cipriani Potier :

Même la politique jouait un rôle dans leurs entretiens. Dès le premier jour, Beethoven se lança sur ce sujet et couvrit le gouvernement autrichien de tous les noms. 

Mais sa critique n’avait rien de petit, de mesquin. La mesure qu’il appliquait dans ses jugements, la base de sa pensée était la démocratie parlementaire. A maintes reprises, il se déclara partisan de ce système de gouvernement. Dans les députés, il voyait les légitimes interprètes de la volonté du peuple :

On ne plaisante pas avec les députés, ils représentent la force spirituelle du peuple (1819).

Le passage de l’humanisme abstrait au républicanisme politique a également déterminé l’attitude de Beethoven envers l’Ode à la joie de Schiller, laquelle apparaît chez lui sous un jour tout nouveau. Schiller, qui s’inspirait de la philosophie kantienne, rêvait surtout de l’« éducation esthétique de l’homme».

Chez lui, les hommes deviennent frères là où flottent les « tendres ailes » de l’art. Beethoven fait passer les problèmes de la fraternité humaine du plan esthétique au plan social. Romain Rolland a clairement fait ressortir cette différence entre les conceptions de Schiller et celles de Beethoven : 

De toute l’ode de Schiller, la pensée que Beethoven mettait au premier plan était, à ce moment, celle du nivellement des classes. Même, il accentuait encore l’idée de Schiller, en intervertissant l’ordre des facteurs. Schiller, dans sa première version, faisait des « mendiants » les frères des «princes». Beethoven prolétarise les princes : il fait d’eux des mendiants.

Lorsque Schiller écrivait :

Tes charmes magiques unissent à nouveau

Ce que la mode a durement séparé,

Il assignait à l’art le rôle d’unir, de réconcilier l’homme avec le destin. Beethoven voulait faire jouer à l’art un rôle révolutionnaire. Il remplaça le mot streng (durement) par le mot frech (insolemment) pour exprimer de cette façon qu’il désapprouvait la situation présente. L’art doit donc contribuer à supprimer les injustices sociales ou, tout au moins, il doit blâmer le triste présent et célébrer le clair avenir. C’est ainsi que l’art gardera, en même temps, son contenu humaniste et sa fonction humanitaire :

Je ne crains point du tout pour ma musique, il ne peut lui arriver rien de mauvais; celui qui l’aura comprise sera libéré de toutes les misères qui affectent ses semblables !

Il est vrai qu’à l’époque on comprenait bien peu la sublime idée que Beethoven exprima dans sa Neuvième Symphonie. Les idées politiques de Beethoven dépassaient de si loin l’horizon intellectuel de ses contemporains que, bien souvent il ne pouvait même trouver d’adversaires dignes de lui. Le tragique de sa situation est peut-être le mieux illustré par le fait qu’il n’était pas pris au sérieux.

« Souvent, il m’échappe une parole libre, venant du cœur; on me prend alors pour un fou», dit-il en 1820 à Wilhelm Chr. Müller. Seule la police de Metternich reconnut les sentiments profondément républicains de Beethoven et le chef de la police viennoise, Sedlnitzky, n’hésita pas, la même année, à proposer son arrestation. En raison de la célébrité de Beethoven, l’empereur refusa son assentiment et la police dut se contenter de le soumettre à une étroite surveillance.

L’homme qui, par la musique, voulait « tirer du feu de l’esprit», qui, en ces années de pire réaction européenne, était parvenu au républicanisme le plus pur, devait inévitablement tomber dans l’isolement moral du fait qu’il rencontrait tant d’incompréhension chez ses contemporains. Le monde était sourd à ses idées progressives; et à cela s’ajouta sa propre surdité physique. Comme il ne voulait pas renoncer à la grande idée de la liberté, comme l’esprit de 1789 vivait toujours en lui et qu’il était littéralement possédé par l’idée de l’émancipation humaine (une idée dont les Viennois ne comprirent la profondeur qu’en 1848), il devait devenir le grand solitaire, le symbole du tragique classique, ainsi que le définit Tchernychevski, le tragique de l’esprit progressif qui s’use au contact du monde environnant, qui n’a pas encore assez de maturité historique pour transformer ses idées en actes. « Etre mûr, tout est là », était sa devise. Le manque de maturité de son époque, voilà la tragédie de Beethoven. 

Lorsque, en 1823, il écrivait à Cherubini : «L’art unit tout le monde», ses contemporains pouvaient-ils saisir toute la profondeur de cette pensée qui résume en une courte formule les aspirations de Beethoven et qui a reçu sa plus profonde expression dans son interprétation de Schiller, dans sa Neuvième Symphonie ? L’idée de Beethoven sur la lutte « pour le droit et pour la fille du droit, l’éternelle liberté transfigurée par la loi » ne fut-elle pas un héroïque effort pour conserver vivants les principes de 1789 jusqu’à l’époque d’un nouvel essor démocratique ?

Kurt Blaukopf

Commune n°71