man in black and white polo shirt beside writing board

Sortons les parents d’élèves de l’école publique !

La querelle des « deux écoles » a été relancée par les déclarations particulièrement maladroites de la nouvelle ministre de l’éducation nationale Amélie Castéra-Oudéa. Dans cette tribune, le militant communiste Matthieu Eches pointe les dangers que font courir à l’école publique les interventions et parasitages de plus en plus fréquents des parents d’élèves — et notamment à l’encontre d’une valeur aujourd’hui mal défendue par la gauche : la liberté.

Une tribune de l’écrivain et professeur de lettres Grégory Le Floch publiée récemment dans L’Obs) relance le débat sur place des parents à l’école. Son auteur témoigne des difficultés qu’il rencontre lorsqu’il aborde en cours des thématiques telles que le trouble amoureux ou la sexualité face à des élèves qui se font les hérauts d’un nouvel ordre moral.  

Inquiète et en recherche de sens, notre société semble être pour partie malade de ses désirs. Pourtant, comment être libre si l’on ne peut se connecter à sa capacité à les exprimer ? À générer des excès, à accepter ses transgressions ? Ou au moins s’interroger sur celles-ci ?  

En France, l’école repose sur un projet philosophique : celui d’émanciper l’être humain, de lui transmettre un esprit critique, de faire des enfants des citoyens en dehors de toute influence extérieure, en particulier religieuse.  

Il convient de défendre le principe de l’école de la République. Cela veut dire que le ressenti ou les aspirations des jeunes ne doivent pas primer. Il faut leur donner des outils intellectuels pour s’émanciper de l’air du temps… Et de leurs parents.  

Force est de constater que les parents ont une place grandissante au sein de l’école publique. Elle s’exprime avec les logiciels de devoirs en ligne ou les retraits d’enfants de cours d’EPS et de SVT. 

On laisse désormais croire aux parents qu’ils ont leur mot à dire sur ce qu’il se passe à l’école. Cette voie, qui se construit sur la baisse constante des moyens du service public de l’éducation, est mauvaise. Les enfants doivent apprendre à avoir une vie d’individu hors du regard de leurs parents.   

À ce titre, l’école est l’institution qui les aide à devenir des individus, détachés des parents et de la famille. C’est le seul chemin pour être libre dans une société démocratique.  

Si les parents ont tout à fait le droit d’enseigner leurs valeurs à leurs enfants, ils n’ont pas le droit de faire en sorte que leurs enfants ne connaissent que leurs valeurs.   

Ici la liberté fondamentale des élèves réside précisément dans la possibilité de critiquer et de remettre en cause les enseignements qu’ils ont reçus de leur famille. Si, par exemple, leurs parents ont une vision du monde construite à partir de la religion, leurs enfants doivent, en grandissant, apprendre à la questionner.  

Depuis plusieurs années l’autorité des enseignants est remise en cause. Les écoles deviennent des prestataires de services soumis aux exigences de parents qui se comportent comme des clients. Ce veto parental est une autre forme de privatisation de l’école.   

Prenons l’exemple des formes désirs sexuels et amoureux : si les écoles aujourd’hui ne peuvent pas faire savoir aux élèves qu’il y a plusieurs façons d’aimer et de désirer, si elles ne peuvent pas affirmer que l’hétérosexualité n’est pas la seule orientation possible et que les personnes trans existent, comment faire disparaître l’homophobie ?   

Trop souvent, par peur de certains parents, on laisse les enfants LGBT désarmés. Et on laisse également de côté tous les enfants hétérosexuels qui ont le droit de choisir d’autres visions du monde que celles de leurs parents.  

Depuis le soutien de Michel Foucault à la révolution islamique iranienne, une partie de la gauche s’est fourvoyée dans des complaisances avec des théories qui vont à l’encontre du progrès et de la raison.  

Le camp progressiste, en se concentrant sur la conquête de droits sociaux, a laissé libre place à certaines appropriations illicites de signifiants essentiels : en premier lieu celui de liberté. C’est au nom de la liberté que les parents prennent de plus en plus de place à l’école publique. C’est au nom de la liberté d’expression que l’extrême droite déverse sa haine sur les plateaux TV.   

Lutter contre la mise à mort de l’Education Nationale, c’est aussi mettre fin à ce braconnage symbolique. Il faut le combattre pied à pied.   

À l’heure des révélations sur le lycée Stanislas qui endoctrine des enfants à coup d’idées anti-IVG et homophobes, l’une des batailles culturelles les plus urgentes pour défendre le principe de l’école publique consiste à reconquérir l’idée de liberté. Elle a trop longtemps été dévoyée par ceux qui prétendent défendre face à elle « l’école libre ».  

Matthieu Eches