Suzanne Girault, illégalement citoyenne

Faire élire des femmes à l’époque où le droit de vote leur est encore refusé. Voilà l’idée audacieuse des communistes qui affrontent en 1925 les premières élections municipales de leur histoire.

À cette échéance électorale, les communistes présentent une dizaine de femmes dans plusieurs départements de France. Dans le Finistère, c’est une sardinière, Joséphine Pencalet, qui est candidate dans la ville de Douarnenez.

À Bobigny, c’est l’ouvrière métallurgiste Marthe Tesson qui représente le parti et à Saint-Denis, c’est une brodeuse communiste, Marie Chaix, qui est présentée par ses camarades. Chacune de ces femmes a un parcours militant exceptionnel. Elles méritent toutes de sortir de l’oubli dans lequel elles sont plongées depuis près d’un siècle.


Attardons-nous sur l’une de ces femmes, Suzanne Girault.


Suzanne Girault est, en 1925, la femme politique ayant sans doute le plus de responsabilités en France. Elle est membre du bureau politique du jeune Parti communiste et rédactrice du journal militant L’Ouvrière. Elle occupe donc un rôle de premier plan dans l’organisation communiste en France, mais aussi à l’étranger, sous la direction de Clara Zetkin. Il est probable que ce soit elle qui soit à l’origine des candidatures féminines de 1925.


L’objectif des communistes est de forcer les législateurs à changer la loi sexiste sur le vote et de gagner l’opinion publique sur cette bataille en mettant des femmes à des places éligibles. Un dirigeant communiste écrit : « Le but que s’était proposé le Parti communiste en désignant des ouvrières comme candidates a été atteint et au-delà. Dans l’histoire politique de ce pays, dans la lutte menée depuis tant d’années pour l’émancipation politique et économique de la femme, l’année 1925, par suite de l’initiative du PCF, aura une importance considérable. En dépit de toutes les manœuvres, de toutes les circulaires gouvernementales ou préfectorales, des bulletins de vote aux noms de Lucienne Marrane, de M. Faussecave, de Suzanne Girault et des autres seront escomptés.»


Les communistes ne font pas un très bon score à cette première élection et seule une partie des candidates sont réellement élues. Certaines municipalités vont plus loin et nomment les femmes à des postes de responsabilité. Ainsi à Saint-Denis, Marie Chaix devient Maire-adjointe en charge des affaires sociales.


Mais rapidement, le Conseil d’État, par peur d’un changement radical dans la société, annule une à une les élections des militantes. Certaines, comme Joséphine Pencalet sont véritablement déçues par le manque de soutien du parti face à cette invalidation.

L’Humanité, 3 mars 1925.

Suzanne Girault quant à elle n’est pas élue dans le département de la Seine, et elle est arrêtée peu de temps plus tard pour son activisme politique contre l’occupation de la Ruhr. Elle fait six mois de prison. Elle est également arrêtée pendant l’Occupation pour faits de résistance. Et en 1946, enfin, elle est légalement élue sénatrice communiste de la Seine.

Les archives relatives à son parcours politique sont consultables Archives départementales de la Seine-Saint Denis.

Victor Laby