Voilà un premier roman d’ores et déjà très remarqué en cette rentrée littéraire — et notamment retenu dans la première sélection du Prix Wepler. Avec Ils vont tuer vos fils (Éditions de l’Observatoire, 156 pages, 17 €) Guillaume Perilhou, ancien journaliste littéraire, offre le récit survolté, drôle et poignant d’une jeunesse gay bretonne.

Le narrateur, Guillaume, fait comme il peut, découvrant son homosexualité coincé entre un père dangereux et une mère défaillante. Et l’auteur nous conduit à mille à l’heure des premières rencontres aux fugues loin de la famille en passant par l’enfermement en hôpital psychiatrique.
Dans Ils vont tuer vos fils, roman d’une époque, on croise entre Brest et Quimper des strings et des jockstraps, un Kilian, on suit le narrateur sur Insta, Grindr ou OnlyFans, mater un BG et se retrouver en PLS. Mais on rencontre aussi Gide et son Corydon, Schubert, Paul Éluard ou Camille Claudel.
L’auteur esquisse à travers ce portrait (le sien ?) celui d’une génération, non sans ironie, en ne cédant que faussement à l’air du temps. Sa plume allègre saute de scène en scène pour prêter vie à un jeune homme au bord du gouffre — avec des accents qui peuvent évoquer, pour ceux qui s’en souviennent, le très beau Le Fil de Christophe Bourdin, comme avec cette promesse de voyage en Sicile :
« « Allez viens, ça suffit la comédie, on part en Italie ». J’avais lu cette phrase dans un roman que j’aimais beaucoup, je ne sais plus lequel, il s’agissait du père de la narratrice qui disait ça à sa copine alors que celle-ci devait passer un examen ou un concours ou peut-être seulement le bac, ils étaient jeunes. Je me souviens de l’émerveillement à me l’imaginer, cet acte rêvé de tout plaquer au pire moment, la beauté des personnages en fuite trouvant repos dans une villa abandonnée bordée de pins et de laquelle descendrait vers la mer un chemin de chèvres comme chez Sagan. J’avais décidé d’attendre notre prochaine rencontre pour dire à mon tour à Clément Allez viens ça suffit la comédie on part en Italie. On achèterait une voiture avec nos économies, un vieux truc sur le Bon coin, on gagnerait le Sud par l’Auvergne, en dix heures de route avec une pause rapide à Aix-en-Provence. […] Au bout d’un temps on se ferait chier, on aurait économisé alors on reprendrait la route, Clément suivrait des études par correspondance, deviendrait prof de français, j’écrirais un livre. Sur un balcon de Naples, des pages éternelles et poignantes sur l’amour vagabond. »
