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Justice : aucune parole n’est sacrée

La Cour de révision annule la condamnation pour viol de Farid El Hairy prononcée en 2003, après la rétractation de son accusatrice. La jeune fille qui l’avait accusé en 1998 a reconnu avoir menti, dans une lettre envoyée en 2017 au procureur de la République de Douai. L’homme de 41 ans devient le douzième réhabilité depuis 1945.

Mais surtout, c’est la deuxième fois consécutive qu’une condamnation obtenue suite à une accusation de viol est annulée par la justice. Cela a de quoi faire réfléchir : depuis quelques années et notamment grâce à l’émergence du mouvement #MeToo, les accusations de viol et d’inceste se multiplient. C’est une réalité à double face : d’un côté, il faut saluer la libération de la parole chez tant de personnes réellement victimes d’abus. Mais comment ne pas voir que ce mouvement charrie avec lui son lot de calomnies ? Certaines personnes n’hésitent pas, dans des affaires de divorces conflictuels, à accuser leur ancien(ne) conjoint(e) de violences sexistes et sexuelles, voire d’inceste, afin d’obtenir la garde exclusive des enfants ou des avantages matériels.

Dans le monde de l’entreprise comme dans celui de la politique, ces accusations sont de plus en plus souvent maniées pour éliminer un rival : pas de fumée sans feu, dit-on. Combien de carrières professionnelles brisées, de familles détruites, de personnes déshonorées à la suite d’accusations infâmantes laissant derrière elles un stigmate ineffaçable ?

Alors, mettons-nous bien d’accord : oui, il fait écouter, et avec bienveillance, toutes les personnes qui se présentent comme victimes. Mais écouter n’est pas nécessairement croire. Dans une société évoluée, la justice se rend dans la sérénité, selon la règle du débat contradictoire. La présomption d’innocence, qui n’empêche pas des mesures de protection des plaignants, est une pierre angulaire du droit. Entre elle et le lynchage, il n’y a rien. La vraie question, c’est celle des moyens d’enquête et des délais. La lenteur de la justice nourrit les suspicions à son égard ainsi que les tentations de solutions expéditives.

L’inversion de la charge de la preuve, votée par le parlement espagnol, oblige toute personne accusée de viol à faire la preuve que la relation était consentie, preuve en général quasi impossible à étayer sur des éléments matériels. C’est une porte ouverte à tous les abus.

Le plus triste dans cette affaire, et les Espagnols commencent à s’en rendre compte, c’est que cette modification législative ne décourage nullement les authentiques prédateurs, qui agissent désormais de façon de plus en plus brutale, avec le seul souci de protéger leur anonymat. Ne soyons donc pas naïfs : aucune parole n’est sacrée, la justice française a eu le courage de le reconnaître, et la lutte contre les violences sexistes et sexuelles sera d’autant plus efficace qu’elle se mènera dans le respect du droit.

Jean-Michel Galano