Victor Laby

Nicole Dreyfus, une vie pour les droits de l’homme

Dès sa petite enfance, Nicole Dreyfus a entendu parler d’erreurs judiciaires. Descendante d’Alfred Dreyfus, ses parents lui relatent les combats du capitaine pour obtenir justice face au complot judiciaire dont il était victime. Cette expérience familiale pousse Nicole à faire du droit.

Mais la défaite de 1940 et le statut des juifs dans la France de Pétain empêchent la jeune fille d’accéder aux études de droit. Elle trouve refuge avec sa mère à Monaco puis en Suisse. Après-guerre, Nicole peut enfin s’inscrire à la faculté de droit et obtient brillamment sa licence. En 1946, la voilà avocate inscrite au barreau de Paris. Dans la capitale, elle s’intéresse au militantisme politique et prend en 1949 sa carte au PCF. Pour elle, il s’agit du seul parti « qui ouvrait vraiment l’avenir, un avenir favorable à la classe ouvrière ». Elle se rend disponible pour ses camarades et devient rapidement une militante reconnue. En tant qu’avocate, elle est sollicitée par les adhérents du parti, elle se retrouve à défendre des anciens résistants ayant gardé les armes, des mineurs poursuivis pendant les grèves de 1947 ou encore des anticolonialistes luttant contre la guerre d’Indochine. Particulièrement douée, Nicole est même choisie pour défendre les dirigeants du parti communiste dans une fausse affaire de complot en mai 1952.

Mais son travail d’avocate militante ne se limite pas à la France. Nicole Dreyfus est internationaliste. Elle va défendre ses camarades partout dans le monde. La guerre d’indépendance en Algérie la fait connaître au-delà des frontières. Elle prend la défense de militants du FLN (Front de libération nationale) et du PCA (Parti communiste algérien) accusés de terrorisme et de résistance armée. Par son action, elle sauve la vie de nombreux détenus. Mais la justice coloniale est impitoyable et Nicole ne réussit pas toujours à garder en vie les accusés qu’elle représente. En mars 1957, quatre militants défendus par elle sont condamnés à mort.

Elle raconte : « La salle criait À mort ! , aussi bien à leur encontre qu’à l’égard du défenseur que j’étais. Charles Lederman, présent à Alger pour plaider dans une autre affaire, a estimé que j’étais personnellement en danger et m’a fait rentrer aussitôt en France. »

Partie d’Algérie, elle est encore sur tous les fronts, elle défend des indépendantistes québécois, des syndicalistes sénégalais, des victimes de l’apartheid en Afrique du Sud…

Quelques mois avant sa mort en 2010, Nicole Dreyfus revient sur les souvenirs marquants de sa vie et écrit cette phrase qui résonne cruellement dans un monde où elle n’est plus :

« Être dreyfusard aujourd’hui, c’est être avide de vérité et de justice et ne pas supporter les discriminations, quelles qu’elles soient. C’est lutter contre toute forme de discrimination, d’une façon essentielle, y compris contre celles qui touchent des peuples tout entiers et les réduit à la misère. »

Victor Laby