Ce livre est remarquable et lumineux. Il remet à l’endroit ce que l’époque a mis à l’envers. D’une écriture délicate, l’auteur s’attaque à l’idéologie victimaire dont la justice est devenue l’otage.
Son essai sans complaisance montre à quel point l’actuel Garde des sceaux Éric Dupont-Moretti, qui prétendait incarner les droits de la défense, a renié à peu près tous ses principes depuis qu’il est à Vendôme. On frémit devant la lâcheté de Macron, du gouvernement et de la Haute Cour qui, face à la volonté de vindicte de « l’opinion » et les faits divers médiatiques, sont contraints de « lâcher », de se contredire et de grignoter chaque jour un peu plus l’antique et révolutionnaire principe de la prescription.

« Mais à quoi bon réclamer l’imprescriptibilité de toujours plus de crimes, à quoi bon vouloir continûment allonger les délais de prescription de l’action publique, si la peine effectivement purgée a si peu d’incidence sur « l’opinion » ?
À quoi bon exiger des poursuites judiciaires et la mise à exécution effective des peines si, une fois sa peine purgée, nous nous acharnons à refuser de dissocier l’homme du crime qu’il a commis ? Quinze ans après sa sortie de prison, Bertrand Cantat est toujours empêché de chanter en public. »
Marie Dosé s’attaque avec vigueur et précision aux élucubrations de la psychiatre Muriel Salmona qui, avec les associations de victimes, organise un lobby efficace pour obtenir l’imprescriptibilité des infractions sexuelles. Ses notions « d’amnésie traumatique » et de « dissociation », abondamment reprises par certaines féministes à l’affût, sont pourtant sans valeur au plan scientifique (comme le redit un récent article du Monde évoquant l’experte de la mémoire Elizabeth Loftus). « Aucun homme, aucune femme politique n’aurait le courage de rappeler à ses électeurs que l’injustice est le corolaire de toute vie en société. » De fait, aujourd’hui, « l’important est de réagir à l’émotion, d’épouser la colère populaire et de faire entendre un « plus jamais ça » que chacun, pourtant, sait parfaitement chimérique. »
En refermant ce court texte, on se prend à souhaiter qu’un gouvernement futur ait le courage de supprimer ces mesures démagogiques et populistes empilées les unes sur les autres depuis tant d’année. Et que le principe universel de prescription retrouve son sens dans notre pays.
Maxime Cochard