Depuis bientôt 70 ans que je suis au monde, j’entends, de préférence en période de rentrée, la même petite musique de la culpabilisation. Les musiciens changent : avant, c’était seulement les éditorialistes de la presse écrite et de l’audiovisuel, puis certains dirigeants politiques et syndicaux, de la droite dure à la fausse gauche en passant par les Verts et la CFDT ; maintenant le président de la République s’y met en personne, preuve sans doute que cela ne suffit pas et que notre peuple est décidément dur de la feuille quand il s’agit de certains discours officiels.
Le message lui aussi a été modulé : on nous dit en substance qu’il faut se préparer à vivre moins bien, à faire des sacrifices. Selon Macron, finies désormais l’abondance et l’insouciance. Quand j’étais adolescent, il fallait pratiquement chaque année « serrer sa ceinture d’un cran » : conscients sans doute que les limites physiologiques risquaient d’être assez vite atteintes, les communicants ont alors changé de disque : on n’avait pas de pétrole, donc on allait économiser l’énergie. Puis les prêcheurs d’austérité ont fait refleurir le discours pétainiste, qui avait si bien marché dans les années 40, mais en l’adaptant un peu : plus question de dire que les Français avaient « trop joui », on était après 68, que diable ! Ils ont dit « la France a la gueules de bois ! Trop de services publics, trop d’écoles, d’hôpitaux, de commissariats, de perceptions, de tribunaux ! Trop de fonctionnaires ! Pour donner de la crédibilité à leur « toujours moins », ils ont créé l’épouvantail du « toujours plus »… mais c’était toujours, c’est toujours la même musique.
Ces variations moroses ne se renouvellent jamais qu’au niveau de l’orchestration. Et franchement elles commencent à nous casser les oreilles.