Rishi Sunak, la dernière cartouche des conservateurs britanniques

« Qui a voté pour lui ? », ironisait hier le tabloïd travailliste Daily Mirror : le fait est que le parti conservateur, qui dans son naufrage actuel a encore un peu le sens du ridicule, a voulu s’épargner celui d’un affrontement public entre un Boris Johnson toujours persuadé qu’il est populaire et son ancien chancelier de l’Echiquier, désormais maître du jeu car adoubé par les milieux financiers dont il est lui-même un pur produit. Adoubé, mais avec obligation de résultat.

On passer vite sur les illusions de ceux qui s’imaginent que la désignation d’un homme d’origine indienne à Downing street constituerait une forme de reconnaissance à l’égard des 15 millions de citoyens britanniques originaires du subcontinent si longtemps et si durement exploité par le premier grand impérialisme de l’histoire : ce serait se moquer d’eux. On sait bien depuis Marx que « les choses avancent toujours par le mauvais côté ». Mais, n’en déplaise aux wokes, le capital n’a pas de patrie, pas de religion, pas de couleur de peau. Sunak, immensément riche et marié à l’une des plus grandes fortunes de l’Inde, n’a rien à voir avec ces travailleurs pauvres qui font vivre au quotidien les hôpitaux, l’entretien de la voirie, le bâtiment et le commerce.

Rishi Sunak alors ministre du budget en 2020

Tellement rien à voir que c’est avec le monde du travail dans son ensemble qu’il va devoir s’expliquer. Formé, comme Macron, comme Draghi, et comme tant d’autres, dans les hautes sphères de la finance transnationale, ce tenant de l’orthodoxie financière a un mandat à remplir : rééquilibrer les comptes publics, quel que soit le prix à faire payer aux salariés et aux retraités.

Confronté à l’exaspération populaire et à un mouvement social d’ampleur, ainsi qu’à une opinion publique de moins en moins sensible aux sirènes du populisme (Liz Truss en a fait les frais), Sunak n’aura d’autre choix, s’il veut contenir l’explosion, que d’amplifier le mouvement déjà bien amorcé de recours aux investissements privés dans les secteurs publics névralgiques que sont ceux de l’école, de la santé et des transports.  Une dérive déjà dénoncée par les syndicats, et qui porterait atteinte à quelque chose d’essentiel dans l’identité britannique.

Autant dire qu’avec cet homme de la haute finance, le grand capital donne leur ultime chance aux conservateurs. Il garde en réserve d’autres atouts, travaillistes cette fois. Alors que les syndicats et la gauche travailliste appellent à des élections législatives anticipées, la direction du Labour, tout en les soutenant, rappelle la nécessité de juguler l’inflation et souligne la « compétence » de ses équipes…

Jean-Michel Galano