Remarques sur le « scandale des Amandiers »
L’absence de discernement a toujours une odeur de cadavre.
Nadejda Mandelstam
En même temps que la rafale d’accusations publiques qui tel un vent pestilentiel s’est abattue sur Sofiane Bennacer, le jeune et magnétique interprète du film de Valeria Bruni Tedeschi Les Amandiers – « viols » et violences diverses sur une ancienne compagne (à l’époque où ils étaient en couple), laquelle en a coalisé d’autres selon un mode opératoire #MeToo désormais rodé [1] –, on a assisté dans la presse, notamment dans les pages du Monde et, plus récemment sur un mode inqualifiable et d’une particulière inanité dans Charlie Hebdo, à une très inquiétante attaque contre l’art, théâtral en particulier. Cette fois principalement à travers la façon dont Valeria Bruni Tedeschi, réalisatrice du film et ancienne élève de l’École des Amandiers, a été elle-même vilipendée.
Nous avons souligné ailleurs [2] le caractère inacceptable, dans un État de droit, de l’entreprise médiatique de démolition du jeune acteur. Libération, une fois de plus, s’est distingué [3]. La feuille à sensation que ce journal est fièrement devenu – on a le destin qu’on peut, pourvu qu’on fasse du chiffre – n’a pas craint de publier en Une, outre une cartouche ainsi libellée : « les victimes parlent », qui viole sans scrupule la présomption d’innocence dont bénéficie toute personne pénalement mise en cause, ainsi que le secret de l’instruction [4], une image particulièrement ignoble : il s’agit d’un gros plan du visage de Sofiane Bennacer, photographié en tueur en série psychopathe, et du sang sur les mains. Excusez du peu. On fait fort, efficace, mieux que le plus crapoteux des tabloïds ! La gloire…
Un slogan à tout faire
Un autre aspect de cette énième « affaire » #MeToo, spectaculairement mise en scène par les commissaires politiques au service du mouvement [5], mérite cependant quelques observations succinctes.
Le nerf de la guerre accusatoire, cela n’aura échappé à personne, est une fois de plus « l’emprise » – le couteau suisse des réquisitoires #MeToo. L’ex-compagne aurait été « violée » par son amoureux car elle était prisonnière d’une relation « sous emprise ». Par un sophisme et un mensonge intellectuel grossiers que la panoplie #MeToo pare d’angélique empathie, « l’emprise » joue ainsi comme incrimination irrécusable et preuve superlative en matière d’accusations sexuelles. « L’emprise, ça plie le dossier », selon le mot triomphant d’une avocate militante. Plus besoin de se fatiguer alors à établir les faits, « l’emprise » pourvoit à tout, et ferme définitivement – en toute légitimité, selon le nouveau code #MeTooféministe – la bouche aux accusés.
Que l’acception falsificatrice qui nourrit l’imputation d’« emprise » vide la notion de son sens véritable [6], peu importe. L’« emprise », c’est le Mal. Équivalent #MeToo des accusations de possession diabolique de jadis, « l’emprise » serait l’arme suprême du « prédateur », lequel par ce moyen soumettrait à sa domination « systémique » de pures « victimes » intrinsèquement passives, avec l’intention maléfique de s’en repaître. Sa jouissance ? Les faire souffrir au gré de son plaisir, et les détruire. Arguant d’un joug qui les aurait asservies pour en faire un butin, lesdites innocentes et inertes « victimes » autrefois amoureuses (et peut-être aujourd’hui dépitées) s’effacent ainsi après coup elles-mêmes comme sujets responsables – de leurs désirs, de leurs erreurs, de leurs regrets éventuels, de leur ressentiment présent. Elles n’existent plus que comme Dénonciation (dés)incarnée, leur subjectivité se voyant du reste également diluée dans le dispositif d’accusation en bande organisée qui embrigade et formate toute complexité sous le drapeau d’un « moi aussi » en roue libre. (Et, de la masse indistincte d’innombrables « moi aussi », plus surgissent d’accusations – baptisées « révélations » – visant des personnalités publiques, des « affaires » frénétiquement boostées par les réseaux (a)sociaux, et surtout par nombre de médias qui s’en pourlèchent, plus aussi, moyennant un paralogisme grossier que verrouille le slogan « Victimes, on vous croit ! », « preuve » sera faite qu’il s’agit bien, avec le « fléau des VSS [7] », d’un crime de masse).
Or dans le cas des Amandiers, il est remarquable que « l’emprise », emblème absolu de l’abus, soit invoquée également à propos du travail artistique de Valeria Bruni Tedeschi – et dans la foulée, de celui de son modèle et maître malfaisant, Patrice Chéreau en despote « gourou » (sic) et « agresseur sexuel » (on le voit dans Les Amandiers, insister pour embrasser un séduisant élève qui, embarrassé, se laissera faire par le Maître, donc…). Si bien que le couple artistique et amoureux qu’elle forme avec Sofiane Bennacer perpétuerait en somme de tout côté la violence (patriarcale) : à Sofiane les méfaits sexuels, à Valeria la faute sociale – la tyrannie (mais « gentiment » nuance un commentateur vaguement gêné) au nom de l’art. L’un et l’autre sont donc des scélérats, des oppresseurs qui font de leurs « victimes » préalablement droguées à « l’emprise » leurs jouets.
Laissons de côté la page de haine pure et d’inculture érigée en valeur politique publiée comme une « critique » du film par Charlie Hebdo [8], dans laquelle la réalisatrice, réduite à son origine sociale et essentialisée en ennemie de classe, n’est pas désignée autrement que comme « p’tite bourge de merde », où l’École des Amandiers est vue comme « la Star ac de l’époque » (sic), et où avec l’insupportable arrogance de la bêtise, le dessinateur ignare de cette planche ignoble crache sans vergogne sur les morts, ceux des années sida en particulier, époque dont il ne veut visiblement rien savoir au temps du triomphe sinistre de #MeToo. Un naufrage de l’intelligence, dans un turpide océan de laide sottise. Passons.
Et intéressons-nous aux étranges (et singulièrement ineptes) assertions publiées par Le Monde, sous la plume respectivement de Mona Chollet et, d’une façon plus louvoyante (un « en même temps » façon Ponce Pilate), par Michel Guerrin, chroniqueur culture souvent pertinent, mais hélas, comme trop d’autres, au garde-à-vous face à #MeToo et à ses prétendus « concepts ». De lui pourtant on aurait pu espérer mieux (même s’il avait cru bon de trouver des vertus à la prose indigente – et haineuse – d’Alice Coffin lors de la parution de l’immortel chef d’œuvre de la dame, Le Génie lesbien [9]).
Maître à (ne pas) penser des jeunes femmes d’aujourd’hui, Mona Chollet [10], avec un aplomb satisfait de commissaire politique (et la subtilité qui va avec…), prétend commenter le film, mais aussi le passionnant documentaire de Karine Silla Perez et Stéphane Milon sur le travail de répétition avec les comédiens, Des Amandiers aux Amandiers, que son regard obscurci par l’idéologie #MeTooféministe voit comme « à l’évidence une hagiographie de la cinéaste » (l’aigreur jalouse ne parvient guère ici à se masquer). Selon elle, Valeria Bruni Tedeschi – riche, de surcroît belle-sœur de Nicolas Sarkozy (elle appartient donc au camp des « puissants », c’est pourquoi sans doute elle a l’abus dans le sang, CQFD), et masochiste définitive bien dressée par Chéreau à maltraiter les autres – a non seulement refusé « d’analyser les rapports de pouvoir », mais son discours sur le travail de l’acteur la conduit à « justifier toute sortes de maltraitances », qu’elle mettrait en œuvre dans la façon dont elle agit avec ses comédiens. Son crime, impardonnable : être cette « réalisatrice enfermée dans son rêve » aveugle « aux abus de pouvoir, les siens comme ceux des autres ». Bref, elle met sans scrupule les autres sous son odieuse emprise.
Michel Guerrin pour sa part [11] trouve « stupéfiant » que Valeria Bruni Tedeschi n’ait pas changé d’acteur « quand elle a su qu’il y avait des plaintes pour viol » (même s’il concède que le comédien est magnifique dans le rôle, alors que Mona Chollet, qui a décidément de la boue dans les yeux, le voit comme un parangon de « masculinité toxique », pour utiliser le lexique ##MeToo en vigueur [12]). C’est à lui qu’il revient, dans un texte étonnamment raccord avec la moraline #Metoo de Mona Chollet, d’écrire le mot magique : « emprise ». Le terme apparaît à deux reprises dans son article, et en constitue même quasiment la chute. Voici ce qu’écrit Guerrin, commentant lui aussi, et sur le fond dans le même esprit que Mona Chollet, à la fois le film et le documentaire sur le travail de répétition :
Dans son film, la cinéaste dessine un Patrice Chéreau (joué par Louis Garrel, son ancien compagnon) en gourou qui embrasse de force un étudiant et humilie une étudiante. Valeria Bruni Tedeschi ne dénonce pas Chéreau, elle fait la même chose durant le tournage de son film, tient les acteurs sous emprise, les martyrise gentiment, les fait parler de choses intimes. […] Suivant un mécanisme bien repéré, elle fait subir ce qu’elle a subi.
(C’est-à-dire : « malmener » les comédiens).
On reste sans voix devant un tel fourvoiement du regard, devant pareille méconnaissance de ce que c’est que le travail d’un interprète, devant la forêt de préjugés issus du nouveau catéchisme de l’évangile selon #MeToo. Tout cela aboutit à un propos dont l’indigence le dispute à l’incapacité à comprendre de quoi il retourne quant à la nature et quant aux enjeux véritables de ce que l’auteur appelle la « mise en abyme entre le film et la réalité ». Sans-doute soulignant cette dimension, met-il le doigt sur un point important. Mais immédiatement il fait fausse route. Car son propos paresseux, superficiel et surtout prisonnier de l’effet « scandale des Amandiers », aussi contagieux que creux, réduit le mouvement de fait vertigineux que tressent ensemble le film, le documentaire et les histoires que tout cela transmet, à une morne et brutale reproduction dans la « réalité » d’un destin qui aurait inéluctablement échappé à la réalisatrice : Sofiane Bennacer EST – dans le film et dans la « réalité » – un homme violent ; elle EST – dans la « réalité » montrée par le documentaire une réalisatrice maltraitante car anciennement « victime » (?). Telle est sa vision aveugle du jeu de reflets très élaboré, ainsi à chaque instant relancé vers quelque chose de neuf, que compose, comme une partition, le film de Valeria Bruni Tedeschi et que, le continuant à sa façon, Des Amandiers aux Amandiers met en perspective.
Quelque chose de ne va pas dans cette interprétation simpliste, inféodée au lexique victimaire de #MeToo : sa perspective faussée, qui oublie que la réalité » (dont le film serait le miroir mort) n’est pas ce que cette grille de (non-)lecture inflige au cœur et à l’esprit. Qui oublie tout autant que le film, qui puise sa matière dans la mémoire de Valeria Bruni Tedeschi, est une œuvre d’imagination. C’est-à-dire une fiction, qui renouvelle et reconduit autrement l’expérience artistique et personnelle que traversa – et qui traversa – la jeune femme d’hier. Expérience passée/présente qui, immarcescible, vit et revit dans la femme, dans la créatrice qu’elle est aujourd’hui. Une fiction capable, en réinventant ce qui fut avec et à travers des jeunes gens pas encore nés à l’époque, de le faire vivre. Vivre avec intensité, légèreté, avec fraîcheur, et une grâce infinie. Cela porte un nom : transmission. Transmission vivante, loin d’une quelconque sacralisation – ce que la drôlerie, l’humour du cinéma de Valeria Bruni Tedeschi démontrent film après film, et tout autant dans Les Amandiers – dans et par la force indomptable de l’acte artistique.
Devenir autre
Essayons donc de clarifier différents points.
Et commençons par donner la parole à l’un des acteurs des Amandiers, Vassili Schneider :
En ce qui me concerne, il n’y a eu que du positif. Valeria nous a aidés à nous dépasser, à sortir de nos zones de confort, mais toujours avec énormément de bienveillance. Oui, j’ai dit qu’« on essaie de creuser les choses qui nous détruisent le plus », mais ça fait partie du travail d’acteur. Tout acteur essaie de se mettre émotionnellement le plus à nu. C’est notre travail et je trouve injuste d’accuser Valeria sur sa manière de nous avoir guidés dans ce processus. Si j’ai eu envie de me livrer ce jour-là devant Valeria et la caméra de Karine Silla, c’était de manière lucide et consentante [13].
Alors la doxa en vogue vous dira, pavloviennement : s’il affirme cela, n’est-ce pas justement la preuve superlative qu’il est « sous emprise » ? Comme la jeune Valeria qui, interrogée dans le film de François Manceaux Il était une fois 19 acteurs [14], dont Des Amandiers aux Amandiers montre quelques extraits, à la question : « Qu’attendez-vous d’un metteur en scène ? », répond :
Qu’il m’aime, avant tout – même si je trouve que je n’ai pas tellement de raisons d’être aimée. Et puis qu’il me casse, aussi. Qu’il me casse. Qu’il me casse bien. Qu’il me casse tout. Qu’il me casse ! Qu’il me casse en deux, qu’il me casse, mes défenses et tout ça.
Elle accompagne ces mots d’un geste qui fait comprendre ce qu’il s’agit de « casser » : non pas son âme, mais la prison de l’« ego », tout cet encombrement qui barre l’accès à ce noyau le plus secret de son être, à ce foyer ardent fait des liens et des affects en partie enfouis qui la relient intimement au monde. La matière incandescente de ce noyau de vérité à nul autre identique, en partie inconnu d’elle-même, à partir duquel il lui sera donné de pouvoir devenir n’importe qui. C’est donc plutôt d’une délivrance – dans tous les sens du terme – qu’il s’agit. C’est là ce qu’intuitivement elle pressent alors du travail de l’acteur, et formule dans une sorte de bouleversante urgence, qu’on ne saurait réduire à du « masochisme » – et surtout pas au sens pauvre, aplati dont la notion est utilisée par Mona Chollet, décidément obtuse.
Comment d’ailleurs ne pas saisir ceci : ce que la jeune comédienne disait à l’époque attendre de Patrice Chéreau, devenue metteur en scène elle l’attend encore, en un sens, de ses jeunes acteurs ? « Je voulais que les acteurs s’emparent des personnages et me dépossèdent de mon image, de mon souvenir. Mais surtout, je voulais qu’ils m’amènent eux-mêmes leur modernité, et qu’avec mes souvenirs ça fasse une chose nouvelle. Je ne voulais pas être figée dans le passé, dans mes souvenirs », explique-t-elle, à propos de son film. Ce que l’on perçoit très clairement en voyant Les Amandiers, tant les comédiens y sont pleinement présents et désirés en ce qu’ils ont de plus singulier. C’est pour cette dépossession lucidement réfléchie, libératrice quoique, on l’imagine, éprouvante, que « mécaniquement » paraît-il, et dans une coupable cécité, elle « leur fait subir ce qu’elle a subi » – des « maltraitances » ? Absurde.
Avec clarté, mais comme à son insu, la jeune apprentie comédienne savait déjà l’essentiel : l’amour, le théâtre, en quelque façon c’est du pareil au même. Un motif à l’évidence vital, une joie et un tourment, que par la suite son cinéma, de film en film, ne cessera de librement fuguer et de fuguer encore. Ainsi, plutôt qu’à une « mise en abyme » redondante qui ne transforme rien, de surcroît perçue de façon biaisée par les répugnants diktats de la curée médiatique, c’est à la forme à la fois simple et redoutablement savante de la fugue que nous avons à faire, ici enroulée – le théâtre dans le cinéma, tressés l’un à l’autre, comme souvent chez la réalisatrice. Une structure en réalité musicale, éminemment complexe, toute de subtils décalages, qui varie et recrée à l’infini un même motif alors toujours nouveau, toujours inattendu. Structure d’immortalité en quelque sorte.
Ainsi l’amour, qui « tire hors » selon le mot de Montaigne ; et l’art – singulièrement le théâtre –, autre nom de l’amour.
On n’est plus soi-même, dans ces conditions, et c’est pénible de ne plus être soi-même, encore plus pénible que de l’être, quoi qu’on en dise. Car lorsqu’on l’est on sait ce qu’on a à faire pour l’être moins, tandis que lorsqu’on ne l’est plus on est n’importe qui, plus moyen de s’estomper. Ce qu’on appelle l’amour c’est l’exil, avec de temps en temps une carte postale du pays, voilà mon sentiment ce soir [15].
Tout est dit dans ces lignes de Samuel Beckett, limpides et drôles. Elles valent avec autant de troublante justesse pour dire le risque, le péril même, auquel s’expose l’acteur. Un jeu qui n’admet pas de faux-semblants, un jeu auquel il consent, et surtout qu’il désire, parfois à son corps défendant – comme l’amour.
Dans Il était une fois 19 acteurs, Patrice Chéreau réagit aux paroles de la jeune fille. Il explique que oui, il y a des choses à « casser », chez les acteurs, « chez les metteurs en scène aussi », dit-il : la gangue des paresses, des habitudes, des peurs. Il prend bien soin de préciser cependant qu’il ne s’agit pas de « casser la personne ». Sa responsabilité, celle du metteur en scène qu’à son tour la « réalis(ac)trice [16] » assume, à sa manière singulière et avec, comme Chéreau oui, générosité et une intraitable exigence, est de permettre qu’advienne le « curieux miracle [17] » de la création. Miracle qui s’accomplit, au théâtre, au cinéma avec – et non pas contre – des interprètes en état de disponibilité maximale. Disponibilité patiente, désencombrée, non pas aux caprices sans queue ni tête d’un autocrate sadique, mais à une vision, tâtonnante et sûre, qui peu à peu aboutira à la forme juste. L’attente, exorbitante en un sens, du metteur en scène, mais à laquelle il est lui-même rivé dans la relation à ce que commande l’œuvre en train de naître – et dans sa relation à ces instruments sensibles si particuliers, si délicats : les acteurs –, est que tous, à commencer par lui mais à un emplacement spécifique, se fassent matière ductile. Corps conducteurs. Ainsi l’œuvre, trempée dans l’inaliénable, la mystérieuse singularité des acteurs dépouillés des oripeaux étroits de leur « moi » usuel, sera-t-elle transmise, offerte à la liberté et à l’imagination du spectateur.
Rien ne saurait mieux faire capter cet enjeu de création/transmission que ce propos de Donald Sutherland, évoquant son travail d’interprète du Casanova de Fellini [18] : « J’étais comme un coupon de tissu entre ses mains ; et là venait la magie. » Dans le même documentaire, une scène fascinante nous montre le Maestro, comme dans un état second, en train de diriger une scène d’amour du Satyricon. Et l’on comprend alors complètement de quelle « magie » il s’agit. Alors certes, acteur, c’est un drôle de métier. Il y faut un certain goût pour la disparition, indissociable d’un puissant attrait pour la métempsycose [19], serait-ce en ses avatars les plus improbables. Et sans doute aussi, chevillée au corps, la conviction enfantine que l’on est indestructible – que la mort ne peut être réelle. L’acteur ? Un phœnix, oiseau magique qui toujours renaît de ses cendres.
Alors devenir – se faire, activement – « coupon de tissu » soumis au bon vouloir du metteur en scène : « emprise » ? Certainement pas en tout cas dans l’acception falsifiée et passablement stupide du kit de propagande #MeToo, qui fait de « l’emprise » l’arme du crime (patriarcal, forcément), et propage la croyance imbécile, quasi complotiste aussi, que les méchants « dominants » mettent « sous emprise » les malheureux « dominés ». C’est tout l’inverse, à vrai dire. Car tout demeure ouvert à qui est donné de savoir user et user encore de cette « faculté de métamorphose » que « chacun possède, utilise », et « trouve toute naturelle », et à laquelle les hommes « doivent le meilleur de ce qu’ils sont [20] ». Heureux qui a le pouvoir de se faire « coupon de tissu », la liberté de se confier à l’imagination d’un autre que lui, qui nourrira la sienne. Sa fortune, sa force ? Avoir gardée en lui, vivace, fertile, cette aptitude fondamentale : celle de l’enfant qui joue – « sous emprise » ?
Déplions la chose.
Emprise, il y a toujours dans l’amour – faut-il vraiment rappeler cette évidence d’expérience ordinaire ? –, comme dans la transmission. « Emprise » au sens du don illimité à un lien si puissant qu’il dissout les frontières du petit « moi » (plus ou moins) douillet, aspirant alors à devenir bateau ivre, « Ô que ma quille éclate ! Ô que j’aille à la mer ! », – qui en libère. Bien sûr un tel lien, qui implique activement, de façon mutuelle quoique souvent non symétrique, ses protagonistes, est potentiellement addictif. Il devient mortifère dès lors qu’il se fige, que plus rien ne se transforme ni ne respire. Plus d’espace vide entre les uns et les autres, plus de jeu, plus d’interstices entre soi et l’objet. Le lien alors vitrifié fait masse – même une masse à deux, la question en l’occurrence n’étant pas tant celle du nombre, que celle de la texture du lien : ondoyant tissu, ou matière pétrifiée.
Or non sans danger sûrement, c’est de cette fixité mortelle que protège le jeu théâtral, pour qui s’y adonne avec la flexibilité requise. Il faut oser être Protée [21]. Apprendre – c’est difficile, inconfortable parfois, et mystérieux, et gai – à reconduire autrement et à inlassablement réinterpréter toute chose. Il est passionnant à cet égard d’entendre l’un des jeunes comédiens des Amandiers expliquer dans Il était une fois 19 acteurs comment l’exercice extraordinairement exigeant de passer en un rien de temps, et totalement, d’un rôle à l’autre [22], offre l’occasion – la chance – de cette mobilité, de cette labilité virtuoses – condition du salut et de la liberté de l’acteur. Nulle secte, nul potentat ne sauraient jamais capturer Protée. Surtout, eh ! oui, s’il s’amuse…
Mais dans une époque où un poème d’amour de Ronsard est « lu » (?) comme une apologie de la « culture du viol », et menace, nous dit-on, le safe space des jeunes lectrices [23], il est clair que l’amour, comme l’art, théâtral (mais pas seulement), sont à bannir.
Transmissions
Méditons pour terminer ces quelques remarques Sofiane Bennacer, à qui il revient dans Les Amandiers d’incarner et d’interpréter un personnage inspiré d’un défunt – qui fut jadis l’amoureux de Valeria Bruni Tedeschi. « Re-convoquer les morts. C’est un travail. Leur parler. Trouver une intimité avec lui [Thierry Pavel, dont naîtra le personnage d’Étienne]. Dialoguer avec lui. » Tels sont ses mots, précis, un miracle d’intelligence sensible, dans le documentaire Des Amandiers aux Amandiers. Nous voici au cœur, brûlant, du travail du jeune acteur. Une alchimie poétique. Orphée, dont la lyre charmera les féroces gardiens des enfers. Alors Protée/Phœnix abolit la frontière entre les vivants et les morts. Et vivant tourné vers les vivants, prêtant son corps et son âme translucide au disparu, devenant cet inconnu qu’il imagine, il parvient à le faire renaître, pareil et autre. Ainsi le fait-il revivre, à travers sa propre vie ainsi augmentée.
Pourquoi est-ce si important pour nous, spectateurs ?
Pourquoi devons-nous avec force nous élever contre la haine déchaînée que propage, avec le cynique appui d’une presse que déshonore chaque « enquête » #MeToo, un mouvement en roue libre qui non seulement porte atteinte aux fondements démocratiques d’une justice équitable – et donc à nous tous –, mais s’attaque ouvertement à ce que l’humanité a de plus précieux : la puissance vitale de la création artistique ? Une détestation de l’art, ajoutons-le, qui est une caractéristique constante, l’histoire l’a tristement illustré, des entreprises totalitaires.
J’ai ailleurs, de façon répétée et circonstanciée, mis en garde contre les coups de boutoir que l’obscure – et obscurantiste – panique sexuelle qui s’est emparée de la société, contaminant largement le monde politique et le monde judiciaire lui-même, assène à l’État de droit. D’autres s’en sont également émus, quelques rares journalistes qu’il faut ici saluer [24], quelques avocats [25], ainsi que quelques intellectuels isolés, immédiatement voués aux gémonies.
Tout aussi alarmante est l’offensive contre l’art, lancée, ainsi que le dévoile très crûment l’« affaire » des Amandiers, en ayant recours aux mêmes bombes sales – la miteuse et funeste propagande que martèle jour après jour la langue de #MeToo [26].
Évoquant son livre-vie à la fin de À la recherche du temps perdu, Marcel Proust – « p’tit bourge de merde » sans doute selon l’auteur de la planche minable de Charlie Hebdo sur Les Amandiers ? –, note :
Mais pour en revenir à moi-même, je pensais modestement à mon livre, et ce serait inexact que de dire en pensant à ceux qui le liraient mes lecteurs. Car ils ne seraient pas, selon moi, mes lecteurs, mais les propres lecteurs d’eux-mêmes, mon livre n’étant qu’une sorte de ces verres grossissants comme ceux que tendait à un acheteur l’opticien de Combray ; mon livre, grâce auquel je leur fournirais le moyen de lire en eux-mêmes [27].
Point n’est besoin d’avoir fréquenté les salons de la haute société parisienne de la fin du dix-neuvième et du début du vingtième siècle pour mesurer la vérité et la profondeur d’une telle réflexion. C’est au cœur de chaque lecteur qu’est capable de parler directement le livre – le trouble de l’amour, la douleur de la perte, la rémanence têtue des sensations à travers et par-delà des couches et des couches de vie, la vertigineuse surprise des « hautes et fines enclaves du passé » qui façonnent l’étrange géographie de nos âmes, le mystère du temps incarné dans les corps, tout cela, chacun peut, dans la qualité d’émotion qu’éveille la lecture, l’y décrypter en lui-même.
Vieille histoire. Parlant du danseur qui, tel Protée, sait prendre toutes les formes, et des multiples histoires que sa danse conte sur scène, voici ce qu’écrivit jadis un ancien Grec :
Les spectateurs le loueront sans réserve lorsqu’ils reconnaîtront leur propre bien, ou, pour mieux dire, lorsqu’ils se verront eux-mêmes dans le danseur comme dans un miroir réfléchissant leurs actes et leurs sentiments. […] Grâce au spectacle, le précepte delphique “Connais-toi toi-même” devient réalité. [28]
Tous les sentiments, sans exception, lumineux ou sombres, et jusqu’aux plus inavouables. La tendre Tess, l’effrayant Richard III. Ainsi l’œuvre, précisément par sa « passion pour le singulier et son aversion profonde pour les généralités [29] », vous relie à vous-même en ce que vous avez de plus énigmatique à vous-même, et de plus singulier – à « votre propre bien » – ; et par là à tout homme. Car qui n’a pas un jour éprouvé la joie, et le chagrin ? L’angoisse, et la colère ? La peur, et le désir ? Le plaisir, et la honte ? En faisant vibrer de mille manières l’« amas de cordes sensibles [30] » que nous sommes, elle « unit toute l’humanité, les morts aux vivants, et les vivants à ceux qui sont encore à naître [31] ». L’œuvre qui parvient à émouvoir de cette façon est ainsi infatigable « espoir de résurrection [32] », selon les mots d’un écrivain qui apprit cruellement, dans sa chair, de quoi il retourne quant à l’assassinat de l’art – et quant aux immolations féroces à une idéologie absolutiste.
À l’évidence, cet invincible espoir, tel un arc tendu, insuffle aux Amandiers l’énergie et l’élan qui habitent le film, auquel un montage tout en fluidité subtile dans sa saisissante précision, impulse le tempo et le rythme frémissants de « la vie même, qui s’écoule [33] ». Il anime le patient, travail avec les interprètes – cette « troupe d’enchanteurs [34] » ; ces passeurs.
Réveillons-nous !
Le « scandale » des Amandiers n’est ainsi pas celui qu’on croit. Le scandale, l’obscénité, c’est le syndrome des tricoteuses [35] : « Hourrah !, encore des têtes qui tombent, quel spectacle de choix ! » – pour votre édification. Où l’on observe ceci : ce tribunal révolutionnaire se croit vertueux, il ne fait que se vautrer dans la bassesse, et le goût du sang – ce sang dont un journal a cru intelligent, et de bonne justice, de maculer les mains de Sofiane Bennacer. Ses procureurs vindicatifs et leurs nervis médiatiques s’imaginent perspicaces, ils ont seulement le regard fangeux. Ce qui advient alors, redoublé par la méprise quant aux enjeux de l’acte artistique – volontaire, ou/et opportuniste, ou même simplement sotte –, enjeux qui sont notre bien à tous, inestimable – c’est l’exact opposé de ce qui permet de se faire « lecteur de soi-même ». Car le magma puant d’émotions frelatées que procure la mise au pilori du Maudit du jour, l’infect soulagement – le « monstre », ce n’est pas moi !, jamais de la vie ! – mêlé d’une avilissante jouissance dont vous dédouanerait la « noblesse » de la Cause, aboutit à cette déliaison fatale au discernement : « Méconnais-toi toi-même ! » Humanité tronquée, flétrie, ruinée ; « désâmée », plus encore que décérébrée. Où donc, lors de ces hideuses parades d’exécutions publiques, se situe l’abjection ?
Étrange promesse, en vérité, que la « libération de la parole » vantée par #MeToo. Une perdition, cœur et intelligence ensevelis sous une asphyxiante idéologie, parée de moraline criarde. Est-ce vraiment de ce « salut » mensonger que nous voulons le néfaste triomphe ? Qui évoque bien plutôt un slogan de triste mémoire : « Vive la mort ! À bas l’intelligence ! ».
L’épisode #MeToo des Amandiers, conjugue – et de façon à ce point manifeste, c’est une première – la sinistre passion purificatrice dans le champ de la sexualité et dans celui de la création artistique. Dans les mêmes termes – vite, vite, de l’ail, contre l’emprise ! –, brandis telle une fallacieuse formule d’exorcisme. Laquelle est, de A à Z, une imposture intellectuelle, sortie tout droit de l’usine à slogans de la multinationale #MeToo (avec mention spéciale pour sa succursale française, hors catégorie quant à la production de fausse monnaie lexicale [36]). Que l’acte de création et de transmission dans et par l’art, en ce que ce geste a de plus profond, de plus vital pour chacun d’entre nous, soit ainsi anathémisé dans le mouvement même qui veut à toute force des damnés sexuels, voilà qui doit nous alerter. Nous alerter sur la nature, dévastatrice pour tous, d’une entreprise qui étend sous les acclamations son empire éradicateur. Extension tentaculaire du règne de #MeToo/#Balancetonporc. Vis-à-vis de cette ascension – pourtant résistible –, on ne voit guère se former d’opposition, si ce n’est de façon sporadique et immédiatement disqualifiée. Seulement de la peur, et une veule soumission [37].
Il est plus que temps, face à ce lugubre, ce dangereux naufrage de toute capacité de libre jugement, d’enfin se réveiller, et de dire : « STOP ! ».
Sabine Prokhoris
[1] Avantage : selon Andréa Bescond, jurisconsulte #MeToo de premier ordre, « Il n’y a pas de présomption d’innocence quand il y a tant de personnes qui témoignent » (sur le plateau de LCI. Propos repris dans Libération).
[2] Dans l’Express : « Affaire des Amandiers : MeToo est aujourd’hui en roue libre »
[3] Libération, 25 nov. 2022.
[4] Disposition qui protège, faut-il le rappeler, autant un mis en cause qu’un plaignant, garantit les droits de la défense et assure les conditions d’un procès équitable.
[5] Il faut noter que plus l’on voit de personnalités publiques mises en cause, plus l’opinion publique se trouve formatée, et plus, par une sorte de ruissellement idéologique, tout cela rejaillit dans le traitement par nombre de magistrats des affaires lambda.
[6] Sur ce point, voir mes développements dans Le Mirage #MeToo, le cherche midi, 2021, ainsi que dans plusieurs interventions, notamment dans Commune et sur Mezetulle.
[7] Acronyme officiel pour « violences sexistes et sexuelles ».
[8] Planche de Félix, Charlie Hebdo 14 décembre 2022, p. 11.
[9] Grasset, 2020.
[10] Cf. Le Monde, « Mona Chollet : « Valeria Bruni Tedeschi n’a pas analysé les rapports de pouvoir qui se jouaient aux amandiers »
[11] Cf. Le Monde, « Les Amandiers et l’affaire Sofiane Bennacer, une incroyable mise en abyme entre le film et la réalité »
[12] « En plus de se montrer violent et jaloux, Etienne est lourdingue et antipathique ; on a vraiment du mal à voir ce qui séduit Stella chez lui. Le cliché est si énorme qu’il en naît presque un effet de comique involontaire. La référence à Marlon Brando, c’est-à-dire à un acteur notoirement maltraitant, tant dans ses rôles que dans sa vie, est éloquente sur les origines de ce modèle de séduction virile, que le film n’interroge pas », écrit-elle, incapable de percevoir la subtilité, la délicatesse, et la puissance du jeu de l’acteur.
[13] Sur Instagram le 30 novembre 2022, en réponse à la tribune de Mona Chollet.
[14] Ce film documente le travail de Patrice Chéreau avec ses jeunes acteurs à la fois pour la mise en scène théâtrale de Platonov (et celle d’œuvres de Kleist par Pierre Romans) et pour le tournage de son adaptation cinématographique de la pièce, Hôtel de France.
[15] Samuel Beckett, Premier amour, Éditions de Minuit, 1995. p. 21-22.
[16] Graphie adoptée dans le générique du film Actrices (2007).
[17] Expression de Claude Simon à propos de la création littéraire.
[18] Cela dans un passionnant documentaire réalisé par Damian Pettigrew, Fellini-Je suis un grand menteur (2002).
[19] La transmigration des âmes lors des réincarnations successives.
[20] Élias Canetti, Masse et Puissance, trad. Robert Rovini, Gallimard, Tel, 1998, p. 357. Il faut lire et relire aujourd’hui les pages profondes et éclairantes de Canetti sur les enjeux de la métamorphose.
[21] Dans la mythologie grecque, la divinité, marine, de la métamorphose.
[22] Les comédiens donnaient trois pièces en même temps, Platonov ainsi que deux pièces de Kleist mises en scène par Pierre Romans.
[23] Cf. Libération, « Ronsard, ce violeur »
[24] Notamment Peggy Sastre, Valérie Toranian, Abnousse Shalmani, Élisabeth Lévy, Natacha Polony, plus quelques autres encore.
[25] Voir notamment, à la suite de la tristement fameuse cérémonie des César 2020, la tribune des 114 « sopranos du barreau » parue dans Le Monde, initiée par Delphine Meillet.
[26] Novlangue dans laquelle sont prononcées fatwas et autocritiques de l’ère #MeToo (tout récemment, l’autocritique publique de l’auteur de bande dessinée Bastien Vivès accusé de « banaliser » la pédocriminalité et l’inceste dans certains de ses albums, voire d’en faire l’apologie : « Je condamne la pédocriminalité, ainsi que son apologie et sa banalisation. Je condamne la culture du viol et les violences faites aux femmes ». Bienvenue en Chine…).
[27] Marcel Proust, Le Temps retrouvé, in À la recherche du temps perdu, Gallimard, La Pléiade, 1973, p. 1033.
[28] Lucien de Samosate, « Éloge de la danse », trad. Claude Terreaux, Arléa, 2011, p. 93.
[29] Philip Roth, « Explications », in Pourquoi écrire ? trad. Lazare Bitoun, Gallimard, Folio, p. 561.
[30] Expression que Diderot, met. Dans la bouche de D’Alembert dans Le Rêve de d’Alembert.
[31] Joseph Conrad, Préface pour Le Nègre du Narcisse, trad. Robert d’Humières, Paris, Gallimard, L’Imaginaire, 1983, p. 14.
[32] Andréi Siniavski, Bonne nuit, trad. Louis Martinez, Albin Michel, 1984, p. 320. Cet auteur, qui publia sous le pseudonyme d’Abram Tertz pour ne pas être identifié par les autorités soviétiques, fut condamné en 1965 (sous le règne de Brejnev), à sept ans de camp à régime sévère, ses écrit « subversifs » ne se pliant pas comme attendu d’un écrivain aux règles du « réalisme socialiste » telles qu’édictées sous Staline par Jdanov.
[33] Selon une formule de Virginia Woolf.
[34] Comme diraient de concert Don Quichotte et Sancho Pança.
[35] Les tricoteuses, ces femmes qui initialement assistaient en tricotant aux séances de la Convention, et du tribunal révolutionnaire, lancèrent les appels les plus véhéments à la Terreur (la fameuse « empathie féminine » sans doute). Surnommées aussi « furies de la guillotine », elles tricotaient aussi au pied de l’échafaud, applaudissant frénétiquement, toutes réjouies à chaque tête qui roulait dans le panier.
[36] Voir sur ce point Le Mirage #MeToo, op. cit.
[37] Au moment où j’achève ces lignes, un article parait dans Le Monde, à la gloire de l’avocate « des dizaines de comédiennes victimes de violences sexuelles » (sic), dont celle qui a la première déposé plainte contre Sofiane Bennacer. Le pilonnage #MeToo contre Les Amandiers ne se dément pas, occasion parfaite pour marteler une propagande, dont une des constantes est le recours à inversion : ici, l’avocate juge la tournure qu’a prise la médiatisation de l’affaire « très violente »… pour sa cliente ! On se pince.