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Les Garçons de l’amour : la révolution islamique à travers le regard de deux amants

Écrivain iranien exilé à Londres après avoir été de nombreuses fois emprisonné et interdit de publication dans son pays, Ghazi Rabihavi nous livre le premier de ses romans traduit en français après avoir été publié en Angleterre. Il y déroule à la première personne le récit de son alter ego, le jeune Djamil, garçon éduqué, condamné à fuir son village avec Nadji, son compagnon quant à lui illettré. La nature de la relation qui unit les deux amants est toujours en retrait, à la manière d’un décor, le véritable héros du roman étant l’Iran en cette année 1979. La fuite des deux jeunes hommes débute sous le régime du Shah pour certaines raisons et, pour d’autres, se poursuit sous celui des mollahs. Toutefois, d’un régime à l’autre et tout au long de leur épopée, leur homosexualité et leur communisme leur imposent la même clandestinité.

À plusieurs reprises, le narrateur nous rappelle que son récit aurait aussi pu être intitulé Les Garçons de la douleur ou Les Garçons de la mort. Ce n’est pas du côté du romantisme qu’il faut chercher un sens à ce trio amour-douleur-mort. Il s’agit juste de la barbarie. La barbarie du régime impérial et de la Savak, de triste mémoire avec sa corruption institutionnalisée et ses arrestations, tortures et exécutions arbitraires. La barbarie de la révolution, qui rappelle aux nostalgiques des grands soirs que ceux-ci sont suivis de petits matins traînant leurs lots de corps jeunes mais sans vie, sans chaleur et sans élasticité. La barbarie de la République islamique, avec à son tour sa corruption institutionnalisée et ses arrestations, tortures et exécutions arbitraires. La violence de la guerre entre l’Iran et l’Irak, avec ses bombardements de populations civiles, écoles comprises, qui résonne tristement avec notre actualité.

Comme toute son œuvre, ce roman de Rabihavi montre son exécration de toutes ces violences à la fois. À la manière d’un Camus persan qui déteste la mort d’où qu’elle vienne, il incarne cette répugnance sous les traits d’un homme jeune, amoureux, déterminé, que rien n’arrête dans son combat pour sauver sa peau et son amour.  Quitte, sinon à tuer lui-même, du moins à mettre même des amis très chers en grand danger de mort.

Malgré la dureté du propos, le ton est celui d’un conte persan, combinant sensualité et violence, comme un mets où se mêleraient le miel et le piment. Un style qui a valu à l’auteur plusieurs récompenses pour sa prose dans cette langue.

Les Garçons de l’amour, Ghazi Rabihavi, Serge Safran Éditeur. 432 pages. 23, 90 €

Bruno Boniface