Les experts médicaux sont formels : Pablo Neruda a été empoisonné

La justice chilienne vient de recevoir, ce mercredi 15 février, un rapport permettant d’affirmer que Neruda est bien mort empoisonné par la bactérie clostridium botulinum. Le pouvoir de Pinochet avait annoncé en 1973, lors du décès du poète chilien, que celui-ci était décédé d’un cancer de la prostate.

Le Parti communiste chilien et Manuel Araya, l’ancien chauffeur et ami de Pablo Neruda (lui aussi communiste) ont toujours pensé que le poète avait été assassiné par les sbires de Pinochet. Selon eux, c’est un empoisonnement qui aurait abrégé la vie du prix Nobel de littérature. La justice chilienne leur donne aujourd’hui raison.

Rappelons les faits : quelques jours après l’assassinat de Salvador Allende et le coup d’État des militaires conduit par Augusto Pinochet le 11 septembre 1973, Neruda veut s’exiler au Mexique. Il obtient un sauf-conduit de l’ambassadeur mexicain et un avion doit l’emmener à México le 24 du même mois. Là-bas, l’écrivain compte prendre la tête de la contestation internationale contre Pinochet.

Pablo Neruda en 1950

La veille de son départ, Pablo Neruda se rend dans une clinique pour contrôler le cancer de la prostate qui l’accable depuis longtemps. C’est dans cette clinique que l’auteur du Chant général a été empoisonné. Son assistant, Manuel Araya raconte en 2013 à nos confrères de l’Humanité que « dans l’après-midi, ils reçoivent un appel de Neruda. Il leur dit que des médecins sont venus lui faire une injection alors qu’il dormait. Lorsque nous revenons à la clinique, Neruda est rouge, il me dit que tout son corps le brûle. C’est très étrange, mais on [des médecins de l’hôpital] m’envoie acheter un médicament. Pourquoi, alors que nous sommes dans un hôpital ? ».

Alors qu’agonise le poète, Manuel Araya est tabassé et séquestré. Quatre heures après, l’écrivain communiste décède.

Ce n’est qu’après les années de la dictature que les chiliens commencent à s’interroger publiquement sur les causes de la mort de Neruda. En 2011, le Parti communiste chilien dépose plainte pour éclaircir les circonstances de la mort du poète. En 2013, le corps de Pablo Neruda est exhumé, une première autopsie concluant à une mort naturelle est très vite contredite par une deuxième, puis une troisième autopsie réalisée par des experts du monde entier. Elles affirment formellement que Neruda est mort d’une bactérie qui a été injectée dans son corps.

Le Docteur Gloria Ramirez et les experts mandatés par la justice chilienne ont rendu ce mercredi 15 février à 19 h un rapport à la ministre Paola Plazaes dont les conclusions, annoncées par le neveu de l’écrivain, sont catégoriques : Pablo Neruda a été assassiné par le pouvoir de Pinochet — comme des milliers d’autres opposants au régime d’extrême-droite. Si le rapport confirme la présence de la bactérie clostridium botulinum, les médecins ne peuvent toujours pas dire avec exactitude comment elle a été transmise au poète. “La bactérie était présente au moment de sa mort mais nous ne savons toujours pas pourquoi. Nous savons simplement qu’elle ne devrait pas être là“, ont indiqué Hendrik et Debi Poinar de l’université canadienne McMaster. C’est à la justice d’éclaircir désormais ce dernier mystère. Elle viendra mettre un terme à cinquante ans de silence et à douze ans de combats judiciaires menés par la famille de Neruda, ses admirateurs, et les communistes chiliens.

L’enterrement de Pablo Neruda en 1973 avait donné lieu à la première manifestation de solidarité avec les partisans d’Allende depuis le putsch de Pinochet. Des milliers de Chiliens étaient descendus dans la rue pour rendre un dernier hommage au poète.

Victor Laby