Dominique Barbéris, « Une façon d’aimer » ou l’enchantement d’un rêve évanoui

Depuis Marguerite Duras, on aime les personnages qui tremblent et les histoires d’autant plus envoûtantes qu’elles sont incertaines.

C’est dans cette lignée que se situe le dernier roman de Dominique Barbéris, dont les événements se passent il y a plus d’un demi-siècle, non en Inde ni en Extrême-Orient, mais en Afrique, à Douala, sous un régime colonial que les indépendantistes commencent à contester.

La narratrice tente de reconstituer l’histoire mystérieuse de sa tante Madeleine, à qui il ne serait presque rien arrivé, sinon une rencontre improbable qui a désenchanté sa vie. Ce « presque  rien » qui fait la totalité de ce beau livre Une façon d’aimer. Les mots du titre apparaissent dans les dernières pages. « Peut-être que le silence est une façon d’aimer ».

Patiente reconstitution rêvée d’une histoire de femme, « passée de l’autre côté du temps », entre Nantes et l’Afrique. Evocation de sensations merveilleuses et perdues. « Il y a dans mes souvenirs quelque chose qui s’apparente à ce mot : « des poires véreuses ». L’expression a gardé pour moi la saveur triste et vénéneuse de la fin des vacances d’été ». Réflexion prolongée sur l’état d’enfance dont nul n’est guéri. « Elle faisait semblant de ne pas entendre. Combien d’enfants font semblant ? ». Art de tisser le récit elliptique de paroles de chansons d’autrefois et de mots qui sont restés dans la mémoire : « le fait mystérieux et obscur d’avoir vécu ».

C’est assez rare pour être signalé. Dominique Barbéris, en 2023, sur la fragilité des femmes et des hommes, sur les royaumes perdus du rêve, nous livre, cet été, un vrai roman poétique.

Romain Lancrey-Javal

Domique Barbéris, Une façon d’aimer, Gallimard, juin 2023, 206 pages.