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Le Mystère Sunny : quand Patrick Chesnais flirte avec les limites de l’odieux

Le Mystère Sunny, d’Alain Teulié, mis en scène par Dominique Guillo, avec Patrick Chesnais et Nicolas Briançon, est joué cette saison au Théâtre Montparnasse.

En 1981, Claus Von Bülow, sulfureux aristocrate danois, est accusé d’avoir tenté d’assassiner sa femme, la richissime Sunny. Tout et tout le monde plaide contre lui ; tout le monde y compris lui-même qui excelle à ce qu’on le déteste. Aussi son procès se conclut-il par une condamnation à trente ans de prison. L’accusé fait appel et parvient à convaincre un professeur de droit d’Harvard, Alan Dershowitz, de le défendre. Le brillant avocat gagne et Von Bülow est acquitté.

La pièce se déroule le soir de Noël de 1991, soit dix ans plus tard, quand Von Bülow débarque presque sans prévenir dans le bureau de son ancien avocat.

Le dialogue entre les deux hommes pèse quelques tonnes de sous-entendus. L’avocat est convaincu – et l’a toujours été – de la culpabilité de son ancien client. Von Bülow, de son côté, sait que son avocat doit sa célébrité et sa fortune à son très médiatique procès. Sous couvert de clichés louangeurs sur les juifs, il dissimule mal ses préjugés antisémites.

S’invite aussi dans la pièce le film Le Mystère Von Bülow, de Barbet Schröder, adapté du livre écrit par Dershowitz, et qui vient de sortir quand se déroule l’action de la pièce. Von Bülow se fantasme dans l’acteur Jeremy Irons, qui joue son rôle dans le film. Et rajoute une couche sur les droits d’auteur qu’a touché son avocat grâce à son livre puis à son adaptation. Donc, grâce à lui.

Durant toute la pièce, Patrick Chesnais flirte avec les limites de l’odieux, jusqu’à nous faire souhaiter qu’il eût fini sa vie en prison plutôt que de se parader dans son costume sur mesure. Quant à Briançon, il renvoie les balles depuis le fond de court, douloureusement mais efficacement.

La mise en scène est d’une parfaite simplicité : rien de trop, rien qui manque. Tout comme le décor qui reproduit un magnifique bureau dans un gratte-ciel de Manhattan, bureau qui pourrait être celui d’un avocat tout autant que celui d’un psychiatre.

Une question demeure : vaut-il mieux voir ou revoir le film avant ou après la pièce ?

Bruno Boniface